Après plusieurs mois d’âpres négociations, de non-dits et jeux de dupes, Athènes et Moscou ont officialisé vendredi dernier, l’accord prévoyant la construction d’un gazoduc russe en Grèce entre 2016 et 2019.
Ces derniers mois, les relations s’étaient intensifiées entre la Russie et la Grèce. Du fait de l’absence d’accord avec ses créanciers pour la Grèce et des sanctions européennes sans précédent qui frappent l’économie Russie, les deux nations mises au ban des relations internationales ont signé un protocole d’entente visant à la construction d’un gazoduc russe sur le territoire grec.
Le ministre de l’énergie grec, Panagiotis Lafazanis, et son homologue russe, Alexandre Novak, ont signé cet accord qui prévoit aussi la création d’une co-entreprise baptisée South Européen Gas Pipeline, détenue à parts égales grecques et russes et à financement exclusivement russe puisque pour payer sa part de 50%, la Grèce a souscrit un emprunt auprès de la banque russe Vnesheconombank. Le budget total de ce projet d’élève à deux milliards d’euros et le projet vise la livraison de 47 milliards de mètres cubes de gaz à l’Europe.
Un rapprochement négocié depuis de longs mois
Outre la culture orthodoxe en commun, les liens commerciaux atteignaient déjà en 2013, la somme de 9,3 milliards de dollars selon le journal britannique The Independent, soit plus que les échanges réalisés avec l’Allemagne.
Mais depuis le mois d’avril et son élection, le premier ministre grec, Alexis Tsipras s’est rendu deux fois à Moscou. Parallèlement, Alexeï Miller, le directeur de Gazprom s’est également rendu en Grèce. Il s’est même entretenu avec Tsipras en marge du Forum économique international organisé à Saint-Pétersbourg. Le 8 avril, le premier ministre grec avait rencontré le Président russe, Vladimir Poutine, ce qui avait engendré une virulente réaction de Martin Schulz, Président du Parlement Européen, appelant les dirigeants grecs « à ne pas mécontenter leurs partenaires européens ».
Ce gazoduc « nous permet de continuer nos projets de constructions d’infrastructures dans le cadre du gazoduc passant par la mer Noire, la Turquie et la construction d’un hub en Turquie », s’est félicité le ministre russe. La Grèce rejoint ainsi le projet Turkish Stream de Gazprom qui doit prendre la relève du projet South Stream suspendu en raison du froid entre Moscou et l’Union Européenne.
L’annonce de l’accord intervient dans un climat délétère. La Russie a annoncé le renforcement de son arsenal nucléaire, la France et la Belgique ont gelé des actifs du gouvernement Russe et les 28 Etats-membres, dont la Grèce, ont prolongé les sanctions économiques contre Moscou. Le premier ministre grec fait donc un pas en arrière alors qu’en avril, après avoir dénoncé ce régime de sanctions, il avait obtenu de la part des autorités russes, pour son seul pays, l’allègement de l’embargo russe de 2014 sur les produits alimentaires en provenance de l’Union Européenne.
Réduire l’influence énergétique russe mais comment ?
La conclusion de projet est tout ce que l’Union Européenne redoutait. L’alliance de deux nations sanctionnées économiquement.
Bruxelles redoute que la Grèce sorte de la zone euro et voit Athènes se rapprocher de Moscou alors qu’il semblerait que la Russie ait promis cinq milliards d’euros de paiements d’avance.
La Russie, elle, est sanctionnée pour son rôle dans le cadre de la crise ukrainienne mais va, ipso facto, renforcer sa capacité de livraison de gaz sur un marché européen qui va devoir trouver de nouvelles sources d’approvisionnement avec le déclin attendu des gisements hollandais et britanniques.
Trois sources sont envisagées par les instances européennes mais seul le Transadriatic Pipeline pourrait offrir une alternative crédible au gaz russe. Un projet qui ne sera mis en service qu’en 2020.
Pendant ce temps, des géants du gaz, l’anglo-néerlandais Shell, l’allemand EON, l’autrichien OMV menés par Gazprom en tête ont publié une lettre d’intention la semaine passée signifiant leur volonté de construire un deuxième gazoduc entre l’Allemagne et la Russie, capable de transporter en volumes autant que l’actuel gazoduc, le Nord Stream.