Entre, d’un côté, EDF qui abandonne le fioul et transforme sa houille en « charbon vert » et, de l’autre, le gouvernement qui souhaite reboucher tous les puits de pétrole de l’Hexagone, le pays s’inscrit plus que jamais à la pointe de la lutte mondiale contre le réchauffement climatique.
S’il était des sceptiques quant à la mise en place, en France, de la transition énergétique, les voilà rassurés. Le pays va devenir le premier à interdire la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire ; un projet de loi allant dans ce sens, qui fait partie intégrante du Plan climat présenté par le ministre de la Transition écologique et solidaire en juillet dernier, a été présenté par Nicolas Hulot le 6 septembre 2017. Il s’agit d’un « signal fort, alors que nous savons tous que pour respecter l’Accord de Paris et maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 2°C, il faut laisser plus de 80 % des ressources fossiles connues dans le sous-sol » a ainsi rappelé le ministre.
« Un monde sans énergies fossiles »
Si la production de pétrole et de gaz, en France, ne pesait pas bien lourd dans la consommation nationale d’énergie (environ 1 %), l’adoption du projet de loi constituera une avancée hautement symbolique, en même temps qu’un message envoyé à tous les pays qui continuent de miser sur l’or noir pour leur approvisionnement énergétique. « Avec ce projet de loi, la France assume son rôle de chef de file dans la lutte contre le changement climatique et encourage d’autres pays à la rejoindre dans son engagement, dans la continuité de l’Accord de Paris » a également déclaré Nicolas Hulot.
Le pays compte aujourd’hui 63 concessions produisant quelque 815 000 tonnes de pétrole par an, situées majoritairement en région parisienne et en Aquitaine. Concrètement, une fois le texte adopté, plus aucun permis d’exploration d’hydrocarbures ne pourra être attribué en France ; la recherche de nouveaux gisement de pétrole ou de gaz, par conséquent rendue caduque, sera abandonnée. Quant aux concessions d’exploitation actuelles, elles ne seront pas renouvelées après 2040 : la production d’hydrocarbures française devrait ainsi se tarir quelques temps après cette date.
D’après le ministère de la Transition écologique, « l’arrêt de la production nationale se déroulera par étape et de façon concomitante à la baisse de la consommation d’énergies fossiles, qui sera favorisée par d’autres mesures du Plan climat comme celle qui concerne la fin de la vente de voitures fonctionnant au pétrole ou au gaz d’ici 2040. » Désormais, « les choses sont claires, il y a le passé, des permis qui ont été accordés et dont la fin est programmée, et l’avenir, qui est un monde sans énergies fossiles » a conclu Nicolas Hulot.
80 % de la population mondiale touchée par la pollution
Cette dernière déclaration peut paraître légèrement consensuelle et, par conséquent, très naturelle. Il n’en est rien. Si la portée du projet de loi tient effectivement plus du symbole qu’autre chose, certains pays aujourd’hui – comme les Etats-Unis – n’hésitent pas à rouvrir leurs puits de pétrole ou de gaz afin de soulager leurs appétits économiques, et relèguent les questions liées à l’environnement et à la santé au second plan. N’y a-t-il pas là une (potentiellement désastreuse) inversion du cours de l’Histoire, un retour regrettable à l’hégémonie financière au détriment de l’écologie et des Hommes ?
Pour rappel, qu’il s’agisse du pétrole ou du charbon, la dépendance d’un pays aux énergies fossiles est extrêmement néfaste pour l’environnement comme pour les citoyens. La chose est entendue depuis longtemps. Mais parce qu’une piqûre de rappel ne peut faire de mal, des chercheurs danois, dans une étude publiée en juillet dernier, ont démontré que l’espérance de vie, en Asie et en Afrique surtout, pouvait chuter si le recours au charbon ne cessait pas. D’où l’importance, pour les dirigeants du monde entier, de prendre des mesures drastiques contre la pollution atmosphérique. Qui touche encore aujourd’hui, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 80 % de la population mondiale – parce qu’habitant en zone urbaine.
Cessions d’actifs dans les énergies fossiles
Si la France vient donc officiellement de s’engager sur une voie sans pétrole, son secteur énergétique n’a pas attendu le 6 septembre pour modifier sa stratégie en vue de l’abandon du fossile. A la centrale thermique de Cordemais (Loire-Atlantique), par exemple, EDF a décidé de fermer l’une des deux tranches au fioul en mai dernier, avançant le calendrier d’un an et déplaçant 90 % des salariés sur des activités plus « propres », comme le nucléaire et les énergies renouvelables. Tandis que la seconde tranche au fioul doit être stoppée en avril 2018, c’est également à Cordemais que l’électricien tricolore teste actuellement son « charbon vert », ce matériau produit grâce aux déchets verts collectés qui doit remplacer à terme la houille.
La biomasse possède d’ailleurs plus ou moins les mêmes propriétés que le charbon. Elle permet donc d’obtenir un rendement électrique égal à celui du mode « 100 % charbon » selon EDF, ainsi que de répondre aux exigences environnementales actuelles – les émissions de gaz à effet de serre sont réduites de 20 %. Autre innovation de l’énergéticien tricolore qui permet de réduire ses rejets polluants : la centrale « cycle combiné au gaz » (CCG) de Bouchain (Nord) inaugurée en grande pompe le 26 juillet 2016 – il s’agissait d’une première mondiale. Concrètement, ce type d’installations permet de réduire les besoins en combustible, donc les émissions atmosphériques de dioxyde de carbone – ainsi que celles d’oxydes d’azote et d’oxydes de soufre.
De son côté, Engie (ex-GDF Suez) s’est séparée, tout comme EDF d’ailleurs, de ses activités liées au charbon à l’étranger et, plus particulièrement, en Pologne. La première a cédé en mars dernier à l’Etat polonais – encore très attaché aux énergies fossiles – sa centrale thermique de Polaniec ; la seconde a indiqué en mai dernier qu’elle avait reçu une promesse d’achat de ses activités thermiques de la part de l’énergéticien public polonais PGE. Ce qui montre que tous les pays ne sont pas sur la même longueur d’ondes en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Le prochain défi de la France sera par conséquent peut-être celui-ci : tâcher de convaincre ses voisins européens du bien-fondé d’une transition énergétique sérieuse.