Privée de gaz russe, la Moldavie décrète l’état d’urgence pour se fournir en Europe

Ce 20 octobre, la Moldavie, petit pays situé entre la Roumanie et l’Ukraine, a déclaré l’état d’urgence, suite aux difficultés d’approvisionnement en gaz naturel russe. Un contrat de fourniture avec Gazprom est en effet arrivé à échéance fin septembre, prolongé jusque fin octobre 2021, mais les volumes fourni sont insuffisants et le prix trop élevé pour le pays le plus pauvre d’Europe. Cet état d’urgence doit permettre à la Moldavie de se fournir auprès de pays européen ; Ukraine, Roumanie et Pologne ont déjà tendu la main à Chișinău.

Quel jeu joue la Russie en Moldavie ? Difficile de savoir pour quelles raisons Moscou, via Gazprom, a décidé de mettre une pression financière et énergétique intenable sur l’ex-République soviétique, mais le Kremlin semble décidé à rappeler clairement à la Moldavie sa dépendance aux importations de gaz naturel russe.

La Moldavie, un pays pauvre, pris entre l’influence européenne et russe, avec une présidente pro-européenne

Certains experts estiment que ce « coup de pression » russe ferait directement suite à l’élection à la présidence de la République moldave, fin 2020, de Maia Sandu, une pro-européenne, qui a notamment déclaré vouloir réintégrer la région séparatiste de la Transnitrie à la Moldavie.

La Moldavie faisait partie de l’URSS. Indépendante depuis 1991, ce pays de 2,6 millions d’habitants est enclavé entre l’Ukraine et la Roumanie. La région autonome de Transnitrie, située à la frontière entre la Moldavie et l’Ukraine, fait toujours officiellement partie de la Moldavie mais est indépendante dans les faits depuis 1991, et soutenue par Moscou.

La Moldavie est ainsi prise, géographiquement et géopolitiquement, entre l’influence russe et celle de l’Union Européenne et de l’OTAN. Elle fait partie de la CEI, issue de l’URSS, mais a signé plusieurs accords de paix, de libre-échange et d’association avec l’Union Européenne ou l’OTAN. Cette situation complexe et le manque de richesses naturelles expliquent en grande partie la pauvreté extrême de ce pays, qui possède le plus faible PIB par habitant d’Europe et l’indice de développement humain le plus bas du continent.

Dépendance au gaz naturel russe

D’un point de vue énergétique, la Moldavie est fortement dépendante du gaz naturel, qu’elle importe intégralement de Russie. Avec 2,8 milliards de mètres cube par an, le gaz fournit en effet la moitié des 4 millions de tonnes d’équivalent pétrole d’énergie consommé annuellement en Moldavie. Il lui est fourni par la Russie via la société d’Etat Gazprom et sa filiale Moldovagaz, en utilisant des gazoducs passant par l’Ukraine et la Transnitrie.

Or, le contrat de fourniture de gaz naturel entre Chișinău et Moldovagaz est arrivé à échéance fin septembre 2021. Selon Sergei Kupriyanov, porte-parole de Gazprom, la Moldavie doit 709 millions de dollars (610 millions d’euros) à la société, qui a refusé de prolonger sur le long terme le contrat tant que cette dette n’était pas payée.

Fin de contrat, hausse de prix et fourniture de gaz en baisse

Courant septembre, selon Sergei Kupriyanov, un compromis a permis de prolonger le contrat jusque fin octobre. Tout en menaçant de couper définitivement le robinet : « Si le paiement des fournitures de gaz n’est pas intégralement effectué et qu’un contrat n’est pas signé à partir de décembre, alors Gazprom interrompra les livraisons de gaz à la Moldavie », a menacé le porte-parole de Gazprom, cité par l’agence de presse Interfax.

Plus préoccupant à court terme, la première ministre moldave, Natalia Gavrilita, pointe que Moldovagaz « ne tient pas ses promesses », et aurait fourni un tiers de gaz naturel de moins que d’habitude. La Russie a par ailleurs imposé une hausse des tarifs, qui peut s’expliquer (en partie) dans un contexte de flambée des prix du gaz naturel, mais que ne peut supporter une économie aussi fragile que celle de la Moldavie. Moldovagaz a augmenté ses tarifs de 550 dollars par millier de mètres cubes en septembre 2021 à 790 dollars en octobre 2021, un niveau que le vice-premier ministre Andrei Spinu qualifie de « non justifié et non réaliste ».

Energie : la Moldavie face à une « situation critique »

« Nous sommes confrontés à une situation critique », a résumé Natalia Gavrilita. Le gouvernement moldave a donc proposé d’instaurer l’état d’urgence pour un mois, afin de trouver un moyen d’atténuer la pénurie de gaz. Le 20 octobre 2021, le Parlement moldave a approuvé cette décision.

Symboliquement, la flamme éternelle d’un monument de la Seconde Guerre mondiale, dans la capitale Chișinău, été éteinte, le même jour, en raison de la pénurie de gaz, selon le ministère de la défense moldave. Le gouvernement a déjà annoncé l’utilisation de pétrole, puisé dans les réserves de l’Etat, pour assurer le chauffage des bâtiments.

Etat d’urgence pour trouver des sources d’approvisionnement alternatives en Europe

Chișinău cherche donc des sources d’approvisionnement alternatives, et se tourne pour cela vers ses voisins. La première ministre Natalia Gavrilita a déjà remercié l’Ukraine et la Roumanie de leur soutien. Le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a d’ailleurs déclaré à son homologue moldave que l’Ukraine continuerait d’acheminer du gaz vers la Moldavie.

La Roumanie, qui n’est pas autosuffisante en gaz, a proposé au gouvernement moldave d’utiliser le gazoduc Iasi-Chișinău, qui relie les deux pays, pour transporter du gaz qu’elle aurait acheté sur les marchés internationaux.

Un « contrat d’essai » d’achat de gaz naturel entre le Pologne et la Moldavie

Le ministre roumain des affaires étrangères par intérim, Bogdan Aurescu, a par ailleurs annoncé ce 25 octobre qu’il informerait les ministres européens des affaires étrangères, réunis à Luxembourg, de la crise de l’approvisionnement en gaz en Moldavie et qu’il leur demanderait d’aider Chișinău à surmonter ce problème.

Ce même jour, le gouvernement moldave a annoncé avoir acheté du gaz naturel à la Pologne : « un contrat a été signé pour l’achat à titre d’essai d’un million de mètres cubes de gaz naturel entre la société d’État Energocom et la société polonaise PGNiG », a déclaré le gouvernement moldave dans un communiqué. « Cet achat permettra de « tester la possibilité d’importer du gaz provenant de sources alternatives et d’équilibrer la faible pression dans le système d’approvisionnement en gaz naturel », complète le communiqué.

Le vice-premier ministre moldave Andrei Spinu a par ailleurs annoncé que les négociations se poursuivaient avec Gazprom pour signer un nouveau contrat à un prix « équitable ».

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A propos de l'auteur Nicolas Villiers

Jeune journaliste économique PQR dans le sud ouest, Nicolas Villiers se lance dans la rédaction Web à la faveur du lancement du gaz.fr.

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