Malgré la guerre commerciale USA-Chine, un groupe chinois achète du gaz naturel américain sur 20 ans

Sinopec, le géant chinois du pétrole, a signé, ce 4 novembre 2021, un accord historique avec le groupe américain Venture Global, pour lui acheter 4 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an pour les 20 prochaines années. L’annonce a de quoi surprendre, en pleine guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Mais il semble que l’administration Biden a accepté de soutenir l’approvisionnement énergétique de l’Empire du Milieu, qui souffre particulièrement de la pénurie de gaz naturel sur les marchés mondiaux.

Pourtant quatrième producteur mondial de gaz naturel (194 Gm3 en 2020), la Chine en utilise tellement qu’elle doit aussi massivement en importer. En 2020, la Chine a en effet consommé 330,6 Gm3 de gaz naturel, contraignant le pays à importer 41,3% de sa consommation, soit 139 Gm3, ce qui en fait le premier importateur du monde (11,2% du total mondial), devant l’Allemagne et le Japon (102 Gm3 chacun).

La Chine est devenue en 20 ans dépendante de ses importations de gaz naturel

Jusqu’à la fin de la décennie 2000, la Chine était pourtant un pays exportateur de gaz. Mais sa consommation a littéralement explosé, portée par une croissance économique galopante et la volonté des autorités chinoise de préférer le gaz naturel au charbon pour produire de l’électricité, afin de répondre à l’urgence climatique. La consommation de gaz naturel chinoise n’était ainsi que de 24 Gm3 en 2 000, de 113 Gm3 en 2010, de 195 Gm3 en 2015, avant de franchir la barre des 300 Gm3 en 2019.

Les importations gazières du pays sont donc en constante augmentation, malgré une hausse régulière de sa production domestique (de 49,7 Gm3 en 2005 à 194 Gm3 en 2020). Le pays a diversifié ses sources d’approvisionnement : en 2020, la Chine a importé 40,6 Gm3 d’Australie (29,2% du total), 27,2 Gm3 du Turkménistan (19,6%), 11,2 Gm3 du Qatar (8,1%), 10,8 Gm3 de Russie (7,8%) et 8,3 Gm3 de Malaisie (6%).

Guerre commerciale entre Pékin et Washington

Malgré la guerre commerciale qui fait rage depuis 2018 entre Washington et Pékin, la Chine a tout de même importé 4,4 Gm3 de gaz naturel des Etats-Unis en 2020, et ce chiffre devrait augmenter cette année.

Les deux pays se sont pourtant lancé dans une escalade de droits de douane et de mesures coercitives réciproques sous la présidence de Donald Trump, et son successeur Joe Biden semble adepte de la même doctrine de guerre économique avec la Chine – c’est d’ailleurs l’un des rares points d’accord des deux hommes. Il n’a d’ailleurs levé aucune des sanctions mises en place par son prédécesseur.

Crise énergétique d’ampleur

Mais la Chine fait face à une crise énergétique d’une ampleur inédite. Le pays fait face à la relance de la demande mondiale, et veut refaire tourner ses usines à plein régime. Mais l’offre de gaz naturel peine à retrouver ses niveaux d’avant le début de la crise du Covid-19, pour des raisons techniques et, peut-être, géopolitiques, la Russie étant notamment accusé de couper le robinet du gaz naturel pour mettre la pression sur ses partenaires économiques.

Au-delà de la hausse vertigineuse des prix du gaz naturel cet automne, cette situation provoque surtout une forme de pénurie pour les gros importateurs. Pékin a décidé de rouvrir des mines de charbon (fermées pour répondre aux exigences du changement climatique), et d’augmenter les quotas de production de celles en activité, pour faire tourner à plein régime ses centrales électriques au charbon. Cela a certes limité l’impact de la crise énergétique sur l’économie chinoise, mais n’empêche pas le pays de faire face à des pénuries, pannes géantes et mises à l’arrêt forcé d’usines depuis plusieurs semaines.

Le pétrolier chinois Sinopec signe un contrat historique d’achat de gaz naturel avec l’américain Venture Global

C’est dans ce contexte que survient la signature, ce 4 novembre 2021, d’un contrat historique d’achat de gaz naturel américain par l’un des trois géants du marché du gaz naturel en Chine, le pétrolier Sinopec, premier raffineur d’Asie.

Le groupe chinois est en effet parvenu à un accord avec le pétrolier Venture Global, spécialiste du GNL low-cost, portant sur la fourniture de 4 millions de tonnes de GNL par an pendant 20 ans, ce qui en fait le contrat « le plus long signé entre la Chine et les Etats-Unis en matière de gaz naturel liquéfié », se félicite Sinopec.

Le PDG de Venture Global, Mike Sabel, affirme quant à lui qu’avec un montant total de 30 milliards de dollars, il s’agit du plus grand accord d’approvisionnement en gaz naturel à long terme jamais signé dans toute l’histoire américaine.

Quel rôle a joué l’administration Biden dans la signature de ce contrat ?

Devant l’ampleur du contrat, et vues les relations économiques tendues entre les deux pays, il semble très peu probable que l’administration Biden n’ait pas été consultée. Le président américain aurait donc sans doute, au moins par son inaction, autorisé Venture Global à soutenir l’approvisionnement énergétique de la Chine.

Certes, le prix est plutôt élevé pour un contrat de cette durée et de cette ampleur, ce qui a pu faire pencher la balance en faveur de la signature. De nombreuses entreprises américaines se fournissent dans les usines chinoises, et l’intérêt national américain n’était peut-être pas de favoriser un arrêt longue durée des manufactures de l’Empire du Milieu.

Mais il est aussi possible que Washington ait voulu envoyer un signe d’apaisement, ou, a minima, une forme de « cadeau » diplomatique, que Pékin devrait alors rembourser d’une façon ou d’une autre.

On vous recommande

A propos de l'auteur Nicolas Villiers

Jeune journaliste économique PQR dans le sud ouest, Nicolas Villiers se lance dans la rédaction Web à la faveur du lancement du gaz.fr.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *