La Russie coupe le gaz à la Pologne et la Bulgarie

Ce 27 avril 2022, Gazprom, l’opérateur gazier d’état russe, a cessé d’approvisionner la Pologne et la Bulgarie en gaz fossile, malgré des contrats en cours. Les deux pays ont en effet refusé de régler leurs factures en roubles comme l’impose désormais la Russie avec ses client européens. Cette décision fait monter d’un cran la tension entre Bruxelles et Moscou, sur fond de soutien militaire accru des Vingt-Sept à l’Ukraine, en pleine bataille du Donbass.

Fin mars 2022, Vladimir Poutine a fait passer un décret modifiant les règles de paiement à Gazprom pour les pays jugés « inamicaux » (c’est à dire les membres de l’OTAN et, dans les faits, essentiellement les pays de l’Union européenne).

Moscou impose à l’Union européenne de payer le gaz russe en roubles

Pour continuer de se fournir en gaz fossile russe, les acheteurs européens doivent donc ouvrir des comptes en roubles auprès de Gazprombank. Ils peuvent ainsi continuer d’honorer leurs contrats avec Gazprom en euros ou en dollars, mais ces montants seront convertis en roubles russes avant d’être versés au groupe gazier russe.

La Commission européenne refuse tout paiement direct en roubles, mais a jugé que ce dispositif n’était pas en contradiction avec les sanctions économiques décidées contre la Russie, suite à l’invasion de l’Ukraine fin février 2022 – même si, dans les faits, ce paiement en roubles limite l’impact des différents blocages visant le système financier russe. Plusieurs géants européens du gaz, comme le français Engie ou l’allemand Uniper, l’ont utlisé pour leurs dernières échéances.

La Pologne et la Bulgarie refusent de payer en roubles, Gazprom coupe ses livraisons de gaz

Mais, en cette fin avril 2022, deux États européens ont dit « non » à ce système. La Pologne et la Bulgarie ont refusé de payer leur gaz en roubles, et ont voulu envoyer un paiement en euros, comme convenu dans leurs contrats. La réaction du Kremlin ne s’est pas faite attendre.

Ce 26 avril 2022, le gouvernement polonais et bulgare ont annoncé que Gazprom allait cesser ses livraisons aux deux pays dès le 27 avril 2022. Cette décision a été confirmé par le géant gazier lui-même, qui précise que la société bulgare Bulgargaz et la polonaise PGNiG ont été notifiées de la « suspension des livraisons de gaz à partir du 27 avril et jusqu’à ce que le paiement soit effectué » en roubles.

Soutien militaire renforcé à l’Ukraine

« La Bulgarie et la Pologne sont des pays de transit. En cas de prélèvement non autorisé de gaz russe sur les quantités en transit vers des pays tiers, les livraisons de transit seront réduites dans la même quantité », a averti par ailleurs Gazprom.

Cette décision a été prise alors que l’Union européenne a décidé, ce même 26 avril 2022, de renforcer son soutien militaire à l’Ukraine, notamment en armes lourdes (l’Allemagne va ainsi envoyer des chars pour la première fois), alors que la bataille dans les plaines dégagées du Donbass fait rage.

La Pologne achève un processus de désengagement des hydrocarbures russes

Tête de pont de l’opposition européenne à la Russie de Vladimir Poutine, ardente défenseure de sanctions économiques maximales contre le Kremlin, zone de transit pour la livraison d’armes à l’Ukraine et l’accueil des réfugiés, la Pologne est allé jusqu’au bout de sa logique : « Non seulement nous n’allons pas nous plier à ce chantage, mais je veux assurer à mes concitoyens que cette décision de Vladimir Poutine n’aura pas d’impact sur les ménages », a affirmé le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki.

La Pologne avait en effet décidé de ne pas renouveler son contrat avec Gazprom, qui arrivait à échéance fin 2022. Encore dépendante à 57 % de la Russie pour son gaz naturel en 2021, le pays achève en effet un processus visant à se passer des hydrocarbures russes.

GNL, oléoduc norvégien et réserves remplies

Depuis 2016, le pays dispose en effet d’un terminal de GNL sur la cote baltique. La Pologne bénéficiera surtout de l’oléoduc Baltic Pipe, qui relie la Norvège au Danemark et à la Pologne sur 900 kilomètres : le projet devrait être achevé d’ici la fin 2022, et il assurera, par des contrats déjà signés, 50 % de l’approvisionnement en gaz fossile de la Pologne.

Qui plus est, Varsovie a anticipé une éventuelle rupture avec la Russie, en remplissant largement ses réserves de stockage, pleines à 72 %. Le pays prend donc simplement quelques mois d’avance sur une rupture programmée avec la Russie.

La Bulgarie beaucoup plus dépendante de ses partenaires européens

Pour la Bulgarie, la situation est beaucoup plus compliquée, et le pays va se retrouver nettement plus dépendant de ses partenaires européens. Le pays a en effet importé en 2021 85 % de son gaz de Russie (70 % en mars 2022), n’a rempli ses réserves qu’à 17 % (soit un mois de consommation), et ne dispose d’aucun terminal GNL.

« La Bulgarie est un petit marché pour le gaz, dont le nouveau gouvernement s’est aligné sur une ligne de rupture avec l’ancien, accommodant avec Moscou », expose Marc-Antoine Eyl-Mazzega, de l’Ifri.

L’Union européenne au soutien de la Pologne et de la Bulgarie, un embargo sur le gaz russe envisagé

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a d’ailleurs assuré que la Bulgarie et la Pologne seront approvisionnées « par leurs voisins de l’UE » et l’Union fera en sorte que « la décision de Gazprom ait le moins d’effets possible sur les consommateurs européens ». Pologne et Bulgarie ne représentent d’ailleurs que 8 % des importations de gaz russe de l’Union européenne.

Par ailleurs, l’Union européenne travaille à un nouveau train de sanctions contre Moscou. Un embargo sur le pétrole russe serait dans les tuyaux. Même la fin des importations de gaz fossile russe n’est plus un tabou, même si l’Allemagne a annoncé qu’une telle rupture plongerait le pays en récession.

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A propos de l'auteur Nicolas Villiers

Jeune journaliste économique PQR dans le sud ouest, Nicolas Villiers se lance dans la rédaction Web à la faveur du lancement du gaz.fr.

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