Ce 19 mai 2022, l’Union européenne a adopté le plan REPowerUE, présenté mi-mars 2022, et visant à se passer de gaz russe dès 2027, et à réduire sa dépendance à la Russie de deux-tiers d’ici fin 2022. Au programme : diversification des approvisionnements (notamment via le GNL), développement encore accéléré des renouvelables et réduction de la consommation énergétique.
Présenté dans sa première version le 8 mars 2022, le plan REPowerUE a été adopté, ce 19 mai 2022, par l’Union européenne. Il vise à réduire la dépendance européenne au gaz russe.
REPowerUE : pour cesser toute importation de gaz russe d’ici 2027
Son objectif est double : assécher les financements de la guerre que la Russie mène en Ukraine (l’UE a acheté, en 2021, pour plus de 100 milliards d’euros d’énergie russe), et faire face à une possible rupture d’approvisionnement russe, soit de par la volonté du Kremlin, comme avec la Pologne et la Bulgarie, soit sur une décision d’embargo des États européens, comme pour les pays baltes.
Il ambitionne de cesser toute importation de gaz fossile russe d’ici 2027 et, surtout, de réduire ces importations de deux-tiers d’ici fin 2022. Ce plan est, selon un haut fonctionnaire de la Commission, « fondamentalement politique ».
« La guerre de Vladimir Poutine perturbe le marché mondial de l’énergie. Elle montre à quel point nous sommes dépendants des importations de combustibles fossiles et combien nous sommes vulnérables au fait de dépendre de la Russie », a commenté la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.
Se passer de 100 milliards de m³ de gaz russe d’ici fin 2022
En 2021, l’Union européenne a importé 155 milliards de m³ de gaz fossile russe. Le plan REPowerUE prévoit de se passer de 100 milliards de m³ d’ici la fin de l’année, dont 60 milliards de m³ via une diversification de l’approvisionnement, et 40 milliards de m³ via des consommations évitées.
Dans le détail, les gazoducs non russe devraient permettre d’augmenter leurs livraisons de gaz de 10 milliards de m³ , en provenance d’Algérie, de Norvège et d’Azerbaïdjan. Les 50 milliards de m³ supplémentaires devraient être apportés par de nouvelles importations de GNL.
50 milliards de m³ de GNL supplémentaires
Les États-Unis se sont ainsi engagé à fournir 15 milliards de m³ supplémentaires d’ici la fin de l’année. Bruxelles a mené de fructueuses négociations pour garantir de nouveaux approvisionnements du Qatar, de l’Égypte, d’Israël et de l’Australie. Menées notamment par l’Italie, des négociations sont en cours pour des partenariats avec d’autres pays d’Afrique, notamment le Nigeria, le Sénégal et l’Angola.
Mais le marché du GNL est actuellement particulièrement tendu, et les prix s’y envolent. Pour augmenter son pouvoir de négociation, l’Union européenne souhaite effectuer des achats groupés à 27. Une plateforme énergétique commune, sur base de volontariat, a déjà été mise en place.
Vers un mécanisme d’achats groupés ?
Bruxelles aimerait aller plus loin, et mettre en place un « mécanisme d’achat conjoint » chargé de négocier les contrats de gaz au nom des États membres. Mais, pour cela, il faut qu’un maximum d’États rejoignent le dispositif.
« Il est très important que tous les États membres, à commencer par les grands pays, participent. Cela n’a pas seulement un intérêt pour les petits pays, notamment à l’Est, qui pourraient avoir des problèmes pour s’approvisionner en gaz en cas de coupure de l’approvisionnement russe, cela préservera la sécurité énergétique globale de l’Europe » a déclaré Simone Tagliapietra, chargé de recherche au think-tank européen Bruegel.
Développer les renouvelables pour réduire la consommation de gaz
Le plan REPowerUE table également sur des économies de 20 milliards de m³ de gaz d’ici fin 2022 via la mise en service de nouvelles capacités renouvelables, éoliennes et photovoltaïques, pour la plupart déjà en cours d’installation. Le plan se veut ainsi un accélérateur du Green Deal en cours.
C’est surtout sur la période 2023-2027 qu’il est crucial de pouvoir encore renforcer les déploiements des nouveaux renouvelables, notamment en réduisant la durée d’instruction des dossiers. La Commission propose ainsi aux États membres de donner aux renouvelables un label « intérêt public prépondérant », justifiant l’accélération de la délivrance des permis, en fixant notamment des délias maximaux contraignants pour chaque étape.
La Commission propose d’ailleurs d’augmenter son ambition, et de viser 45 % de renouvelables dans l’énergie produite dans l’Union en 2030 (contre un objectif de 40 % aujourd’hui), et de rendre les panneaux photovoltaïques obligatoires dans tous les nouveaux bâtiments publics et commerciaux d’ici à 2025 et dans toutes les unités résidentielles d’ici à 2029.
Économies d’énergies
Enfin, Bruxelles compte économiser l’équivalent de 13 milliards de m³ de gaz d’ici fin 2022 par des changements de comportement dans la consommation énergétique globale.
La Commission propose par exemple d’utiliser davantage les transports publics, de réduire la vitesse sur les autoroutes, de baisser le chauffage et la climatisation, de travailler à domicile ou de choisir des appareils ménagers plus efficaces. Elle engage les États à mettre en place ces mesures à leur niveau.
Un investissement supplémentaire de 210 milliards d’euros
La Commission estime par ailleurs que, d’ici 2027, la mise en œuvre de REPowerUE imposera des investissements supplémentaire de 210 milliards d’euros, dont 110 milliards d’euros pour les renouvelables et l’hydrogène vert, et 10 milliards d’euros pour diversifier les importations de GNL et de gaz par gazoduc.
La Commission propose de financer ces investissements majoritairement grâce au solde de prêts négociés pour le fonds de relance suite à la pandémie de Covid-19.
Vers la fin du dogme de la rigueur budgétaire ?
En effet, si tous les États avaient touché leurs subventions (à hauteur de 312,5 milliards d’euros en tout), ils n’avaient pas utilisé la totalité des 360 milliards d’euros de prêts à faible taux d’intérêt débloqués. Il reste un solde de 225 milliards d’euros non affectés, mobilisables immédiatement par les États membres.
La Commission incite donc clairement les États membres à s’endetter, un signe de plus que le dogme de la rigueur budgétaire est peut-être en train de tomber…