Ce 2 septembre 2022, Gazprom a annoncé que le gazoduc Nord Stream, dont les livraisons devaient reprendre le lendemain, resterait fermé pour une durée indéterminée. Même si le Kremlin s’en défend, difficile de ne pas y voir une réponse directe à la décision de plafonner les prix du pétrole russe, prise le même jour par le G7. L’Union européenne se montre toutefois désormais raisonnablement optimiste sur sa fourniture en gaz naturel pour cet hiver, à la veille d’une décisive réunion de ses ministres de l’Energie sur une possible réforme des marchés de l’énergie.
Le Kremlin continue de raconter sa belle histoire de turbine Siemens pour justifier ses interruptions régulières de livraisons de gaz par le gazoduc Nord Stream vers l’Allemagne.
Le G7 et l’Union européenne mettent la pression sur les prix des hydrocarbures russes
Mais plus aucun responsable européen ne fait encore semblant de croire dans cette fable. Le dernier épisode de cette série pourrait toutefois provoquer un changement de paradigme.
Ce 2 septembre 2022, le G7 a en effet pris la décision de plafonner ses prix d’achat du pétrole russe, pour viser sa manne énergétique. Le même jour, la présidente de la Commission européenne a publiquement appuyé la proposition du Premier ministre italien Mario Draghi de mettre en place un plafonnement du prix du gaz importé par la Russie par gazoduc. La cheffe de l’exécutif européen a même indiqué qu’il « serait temps » d’adopter une telle mesure.
Et, comme par hasard, les turbines de Nord Stream ont un soucis juste après…
Frappé au portefeuille, le Kremlin a répondu, comme souvent, avec son arme préférée : le gaz fossile. Gazprom a annoncé, ce même 2 septembre, que le gazoduc Nord Stream, dont les livraisons devaient pourtant reprendre le lendemain, resterait en maintenance, pour une durée indéterminé, suite à la découverte de « fuites d’huile » dans une turbine du compresseur.
En cause, une fois de plus : la trop fameuse tribune Siemens, envoyée en réparation au Canada, revenue en Allemagne, et bloquée sur place depuis le milieu de l’été 2022. La Russie prétend que ce sont les sanctions occidentales qui empêchent l’équipement de revenir en Russie, l’Allemagne affirme que c’est Moscou qui interdit le retour de cette pièce-clé du gazoduc.
Le Kremlin continue de blâmer les sanctions occidentales pour les ruptures d’approvisionnement gazier
Désormais, le Kremlin indique que la seconde turbine fonctionne mal, aurait besoin d’être réparée, et génère des pannes à répétition. Et les éléments de langage sont toujours les mêmes : le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a ainsi indiqué ce lundi 5 septembre, que ces soucis « sont apparus à cause des sanctions des Etats occidentaux. Il n’y a aucune autre raison à ces problèmes ».
« Ce sont ces sanctions (…) qui ont amené à la situation que nous observons maintenant. L’Occident – dans ce cas précis l’Union européenne, le Canada et le Royaume-Uni – est responsable du fait que la situation ait atteint un tel point », a-t-il ajouté.
De toute évidence, la Russie n’a pas l’intention de cesser de jouer ce petit jeu, et ne peut plus être considérée comme une source fiabled’approvisionnement gazier. Et si la situation reste globalement tendue pour plusieurs pays européens, Allemagne en tête, c’est l’optimisme qui domine désormais les discours européens sur cette question.
Une Commission européenne combative sur le gaz
Ce même 5 septembre 2022, le commissaire européen à l’Economie Paolo Gentiloni s’est même montré particulièrement combatif, en affirmant : « Nous sommes bien préparés à résister à l’utilisation extrême de l’arme du gaz par la Russie. Nous n’avons pas peur des décisions de Poutine, nous demandons aux Russes de respecter les contrats, mais s’ils ne le font pas, nous sommes prêts à réagir ».
Il rappelle que le stockage du gaz atteint en ce début septembre 80 % dans l’ensemble de l’Union, « grâce à la diversification des fournitures , même si la situation diverge d’un pays à l’autre ». Il juge même que « le mur de divisions qui a bloqué l’action de la Commission ces derniers mois présente de nombreuses brèches », et que l’Union européenne devrait avoir les mains libres pour en « faire plus ».
En effet, le petit jeu de la Russie tend à unir les pays de l’Union européenne et les pousse à faire front ensemble, en estompant les divergences (malgré la posture d’une Hongrie pro-russe négociant directement avec Moscou une hausse de ses livraisons en gaz).
Vers une réforme des marchés de l’énergie de l’Union européenne ?
Les ministres de l’Energie des Vingt-Sept ont justement rendez-vous ce 9 septembre 2022, pour envisager une réforme des marchés de l’énergie. Et plusieurs murs symboliques pourraient tomber à cette occasion, comme mettre fin à l’indexation totale du prix de l’électricité sur celui de la dernière source injectée (le plus souvent du gaz).
En France, l’Uniden (Union des industries utilisatrices d’énergie) a dressé une liste de propositions pour cette réunion, remettant toutes en cause le fonctionnement traditionnel des marchés financiers (fin du « mark to market » pour le prix spot de l’électricité, plafonnement des prix du gaz financé par une taxe sur les transactions énergétiques, autorisation de régulations massives cassants les prix de l’énergie sur un marché national, création d’un marché hybride de l’électricité…).
Après le Covid-19, la crise énergétique va-t-elle contrainte l’Union européenne à lâcher encore du lest sur son dogme ordo-libéral ? Signe des temps : même l’Allemagne a cessé de défendre quoiqu’il en coûte l’efficience des marchés…