Alors que ce tient, ce 7 octobre 2022, un sommet informel des dirigeants de l’Union européenne consacré à l’énergie, les prix du gaz naturel semblent enfin décroître, sous le double effet des reprises de livraisons de gaz russe vers l’Italie (mais ce phénomène peut être ponctuel) et d’un taux de remplissable des réserves en avance sur les prévisions. Dans le même temps, l’Allemagne ouvre la porte à des achats groupés de gaz, voire un plafonnement des prix, que même la Commission a commencé à envisager.
Le spectre d’une rupture totale de l’approvisionnement en gaz russe plane toujours sur l’Union européenne. Le gazoduc Nord Stream 1, par lequel transitait l’essentiel du gaz livré vers l’Allemagne, est à l’arrêt depuis septembre, et ce n’est pas le double sabotage dont il a été victime qui pourrait changer la donne – même si le Kremlin, toujours aussi joueur, a annoncé que Gazprom pourrait reprendre les livraisons vers l’Europe via une ligne non endommagée de Nord Stream 1…
Gazprom continue de jouer avec les nerfs de l’Union européenne, cette fois avec l’Italie
Pour autant, la Russie continue de livrer du gaz à plusieurs pays de l’Union européenne, via le gazoduc Yamal et les différents gazoducs traversant l’Ukraine. Mais, ce 1er octobre 2022, l’Italie a eu la mauvaise surprise de subir l’interruption des livraisons de gaz russe depuis le gazoduc TAG, qui traverse l’Ukraine puis l’Autriche, et débouche à Tarvisio dans le nord de l’Italie.
Gazprom avait justifié cet arrêt par l’impossibilité de faire transiter du gaz par l’Autriche, suite à une nouvelle réglementation entrée en vigueur dans ce pays au 1er octobre.
Mais, après des négociations avec le géant gazier italien Eni, dont la teneur est restée secrète (le groupe s’était dit, le 3 octobre, prêt à débourser 20 millions d’euros de garantie pour débloquer la suspension), la livraison de 20 millions de m³ quotidiens à repris ce 5 octobre 2022.
La France annonce avoir rempli ses réserves de gaz
Cette bonne nouvelle n’est pas venue seule : la France a annoncé, ce 6 octobre, avoir achevé le remplissage de ses réserves de gaz pour l’hiver prochain : « La campagne de remplissage des stockages pour l’hiver 2022/2023 se termine avec des stockages remplis à plus de 99% », a indiqué dans un communiqué la CRE.
Avec 130 TWh, ces réserves atteignent un « niveau supérieur à la moyenne des dernières années », soit « environ 2/3 de la consommation hivernale des PME et des particuliers » en France.
La Belgique, le Portugal et la Pologne vers les 100 %, l’Allemagne à 90 %, l’Union européenne à 89 %
La Belgique (8 TWh) et le Portugal (3,9 TWh) avaient également annoncé que leurs réserves respectives étaient pleines. Avec un taux de remplissage de 98,34%, la Pologne s’en approche. L’Allemagne a atteint 90 % fin septembre. L’ensemble de l’Union européenne en est à 89 %.
Tout porte à croire que l’objectif de remplissage à 100 % pour fin octobre devrait être atteint. Même si, pour cela, il a fallu, devant le jeu de dupe de Gazprom, payer le gaz souvent très cher, notamment sur un marché du GNL qui a explosé.
L’Allemagne reproche aux États-Unis de vendre du GNL à des prix « astronomiques » à ses alliés
Berlin a d’ailleurs égratigné les États-Unis, pour n’avoir pas fait les efforts nécessaires pour fournir à l’Union européenne du gaz à un prix raisonnable : « Certains pays, mêmes amis, obtiennent parfois des prix astronomiques », a déclaré Robert Habeck, ministre de l’Économie allemand.
La part des États-Unis dans les importations européennes de GNL est en effet passé de 28 % à 45 % entre 2021 et 2022. « Les États-Unis se sont tournés vers nous lorsque les prix du pétrole ont explosé (…) Je pense qu’une telle solidarité serait également utile pour amortir les prix du gaz », a critiqué Robert Habeck.
Un recul des prix du gaz à 160 euros le MWh
Pour autant, l’ensemble de ces nouvelles (réserves remplies, reprises des livraisons russes vers l’Italie) a permis au prix du gaz dans l’Union européenne, le TIFF néerlandais, de descendre à 160 euros le MWh ce 5 octobre 2022, soit son niveau le plus bas depuis les 155 euros de fin juillet.
Le 25 août 2022, le jour de l’interruption des livraisons par Nord Stream 1, il était grimpé jusqu’à 311 dollars. Par ailleurs, l’Allemagne a entrouvert la porte à des achats groupés de gaz naturel au niveau européen, pour réduire la pression sur les prix.
Vers des achats groupés de gaz par l’Union européenne
Réclamée depuis l’automne 2021 par plusieurs États membres, cette mesure s’était toujours heurté au veto de Berlin, arguant que tous ses opérateurs de gaz étant privés, le pays pouvait difficilement acheter en commun avec ses partenaires européens.
Ce cavalier seul était dénoncé avec de plus en plus de véhémence au sein de l’Union européenne, surtout après l’annonce du plan de soutien à 200 milliards d’euros vers l’économie allemande, annoncé par le gouvernement d’Olaf Scholz.
Accusé de casser la concurrence européenne par ces aides, que le pays est le seul en Europe à pouvoir financer à ce niveau, Berlin a compris que refuser toute forme de solidarité risquait de l’isoler dangereusement.
La Commission ouvre la porte à un plafonnement des prix
Un possible plafonnement des prix du gaz sur les marchés de gros a même été évoqué par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui avait jusqu’ici refusé toute idée de plafonnement, en accord avec l’Allemagne, contre une quinzaine d’ États membres (dont la France, l’Italie, l’Espagne, la Belgique…) proposant d’introduire cette mesure.
Le sommet informel des chefs de l’État européens, qui se tient ce 7 octobre et sera consacré à l’énergie, devrait clarifier ces positions.