L’année 2023 démarre par un nouvelle encourageante pour les acheteurs de gaz fossile dans l’Union européenne : le cours du TTF néerlandais, indice de référence européen, a atteint son niveau le plus bas depuis le début de la guerre en Ukraine. A plus moyen terme, plusieurs terminaux méthaniers de GNL ont été inaugurés fin 2022, notamment en Finlande et en Allemagne, laissant imaginer un approvisionnement facilité en 2023. Pour autant, le spectre d’un hiver 2023-2024 sous haute tension plane toujours.
Après une année 2022 cataclysmique, l’approvisionnement gazier de l’Union européenne pourrait-il revenir au calme en 2023 ? Même si les signaux de ce début d’année semblent positifs, sur le moyen terme rien n’est moins sûr.
Le TTF néerlandais à son plus bas niveau depuis le 21 février 2022
L’année a toutefois commencé par une bonne nouvelle. Ce 2 janvier 2023, l’indice de référence du prix de gros du gaz naturel dans l’Union européenne, le TTF néerlandais, a en effet poursuivi sa chute. Il a encore perdu 4,67 % de sa valeur (50 % sur le dernier mois), pour atteindre, en début de matinée, 72,75 euros le MWh pour une livraison en février.
Il s’agit de son niveau le plus bas depuis le 21 février 2022, trois jours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’offensive russe, et les différentes sanctions occidentales, avaient ensuite provoqué une interminable campagne haussière.
Le TTF avait atteint un record en août 2022, à 342 euros le MWh, au moment où la Russie jouait avec les nerfs de l’Allemagne en fermant et rouvrant au compte-goutte les flux de gaz par Nord Stream 1, et où les différents États européens se livraient une concurrence acharnée pour remplir leurs stocks de gaz fossile.
Une baisse générale de la consommation de gaz de l’Union européenne
Les échanges, ce 2 janvier 2022, sont restés peu importants, le principal marché pour les matières premières, Londres, étant fermé. Et si cette chute des prix a entraîné avec elle celle des prix de gros de l’électricité (à 240 euros le MWh en France pour une livraison en 2023, contre jusqu’à 1 000 euros le MWh fin août 2022…), le prix reste très supérieur à ceux pratiqués avant la hausse de l’automne 2021 (aux alentours de 50 euros le MWh).
Cette baisse des cours provient d’une baisse générale de la consommation de gaz dans l’Union européenne, sous le triple effet d’un hiver peu rigoureux (limitant l’usage de gaz pour le chauffage), de mesures de sobriété énergétique (limitant notamment les températures de chauffage au gaz) et de ralentissement de l’activité industrielle liée au gaz, en particulier quand les prix étaient à un tel niveau que de nombreuses usines ont suspendu leurs activités. Les stocks de gaz des différents pays européens se maintiennent ainsi à un niveau élevé, limitant les besoins d’achat immédiat de gaz.
Fin décembre 2022, Eurostat avait d’ailleurs publié une analyse révélant que la consommation de gaz dans l’Union européenne entre août et novembre 2022 avait baissé d’environ 20 % par rapport à la moyenne 2017-2021, dépassant ainsi l’objectif de -15 % fixé par la Commission européenne.
L’Union européenne va doubler sa capacité d’importation de GNL
Eurostat pointait une baisse particulièrement forte dans les pays baltes, en Finlande ou en Roumanie, à plus de 40 % (rendue possible par des volumes consommées relativement faibles, et des coupes industrielles drastiques), et supérieur à 30 % aux Pays-bas, lancé dans un verdissement de leur agriculture et une baisse de la consommation (et donc de production) d’engrais azotés produits grâce au gaz.
Dans l’optique d’une année 2023 où l’Europe devra sans doute se passer largement de gaz russe livré par gazoduc (malgré des annonces de Gazprom d’une possible hausse des livraisons en ce début d’année, et malgré l’augmentation des livraisons de GNL russe vers l’UE en 2022), l’approvisionnement reste toutefois un sujet de préoccupation.
Si, à court terme, le gaz fossile est de nouveau plus abordable, son prix pourrait exploser à nouveau en cas de nouvelles tensions sur l’approvisionnement. Il semble de toutes façons acquis que les importations de GNL de l’Union européenne vont fortement augmenter cette année, et les États de l’Union renforcent leurs infrastructures en conséquences. L’Union européenne devrait d’ailleurs doubler ses capacités d’importation de GNL à court terme.
La Finlande se dote de son premier terminal GNL…
La Finlande a ainsi enregistré l’arrivée, le 28 décembre 2022, de son premier terminal GNL flottant, loué pour dix ans : « Le navire-terminal flottant s’est avéré être la solution la plus rapide et la plus efficace pour réduire progressivement la dépendance au gaz russe de la Finlande et pour assurer la continuité de la fourniture en gaz en Finlande », précise l’opérateur finlandais Gasgrid dans un communiqué.
Le terminal, composé d’une plateforme d’amarrage et d’un bateau FSRU (unité flottante de stockage et de regazéification), a une capacité de 68 000 tonnes de GNL. Il devrait être opérationnel mi-janvier 2023. Ce terminal pourra par ailleurs fournir les pays balte et la Pologne, via le gazoduc Balticconnector, qui relie la Finlande et l’Estonie.
… l’Allemagne aussi
Le 17 décembre, l’Allemagne a elle aussi inauguré son premier terminal GLN dans le port de Wilhelmshaven, en présende du chancelier Olaf Scholz, de son vice-chancelier, Robert Habeck, et de son ministre des Finances, Christian Lindner.
La densité de la présence gouvernementale et le nombre de journalistes à bord montrent bien la criticité d’une infrastructure pour un pays qui était encore, en 2021, très dépendant au gaz russe, et qui continue de payer très cher cette dépendance.
« C’est une bonne journée pour l’Allemagne, et un bon signal envoyé au monde : l’économie allemande sera en mesure de continuer à être forte », a déclaré Olaf Scholz. Quatre autres terminaux GNL devrait être mise en service outre-Rhin durant cette année.
Nouveau terminal GNL en France au Havre, dès septembre 2023
La France n’est pas en reste. Certes, le pays dispose déjà de quatre terminaux GNL, deux à Fos-sur-Mer, un à Montoir de Bretagne, et un à Dunkerque. Mais un cinquième sera disponible à partir de septembre 2023 au Havre. L’infrastructure reposera sur deux navires FSRU de TotalEnergies « qui (permettront) d’injecter jusqu’à 5 milliards de m3 de gaz naturel (environ 60 % du gaz russe importé par la France en 2021) par an dans le réseau national », selon un communiqué de la major pétrolière.
Selon la préfecture, ce nouveau site fournira « environ 10 % de la consommation annuelle française (avec du GNL provenant, NDLR) possiblement de Norvège, d’Algérie, du Qatar, des États-Unis, du Nigéria, d’Angola, ou encore d’Égypte ». Mais le terminal aura « vocation à être démonté lorsque les tensions en matière d’approvisionnement auront été surmontées », a-t-elle assuré.
Reste que ce GNL devra majoritairement être acheté sur des marchés internationaux qui pourraient connaître un nouvel embouteillage cette année, surtout si l’industrie chinoise repart à plein régime. Et face à la concurrence, l’Union européenne ne dispose de presque aucun contrat de fourniture sur le long terme à prix garanti. De quoi maintenir une vigilance maximale.