Interrompu brutalement en mars 2021 après une attaque djihadiste à proximité du chantier, le projet Mozambique GNL de TotalEnergies pourrait être relancé dans le courant de cette année. Les signes d’apaisement se multiplient au Cabo Delgado – reprise de la capitale régionale aux djihadistes, réouverture des lignes maritimes, visite du PDG de Total au Mozambique… La major pétrolière attend un rapport complet sur la situation humanitaire dans la région pour s’engager sur une reprise des travaux.
Mi-novembre 2022, le Mozambique a pu, pour la première fois de son histoire, exporter du GNL, sous l’œil satisfait de son président Filipe Nyusi. Il s’agissait de gaz extrait des gisements offshore situés dans la « zone 4 », la plus au large des côtes de la région du Cabo Delgado, confiée à un consortium international comprenant notamment l’italien Eni, l’américain ExxonMobil, le chinois CNPC, le sud-coréen Kogas et le portugais Galp Energia.
Les violences djihadistes dans le Cabo Delgado perturbent l’exploitation des gisements gaziers
Les premiers puits ont été creusés par Eni, dans le gisement Coral, et le gaz a été liquéfié par l’unité flottante installée par l’énergéticien transalpin. L’optimisme prévalait pour la suite des forages dans cette zone loin du litoral.
Mais l’avenir des possibles puits de la « zone 1 », la plus proche des côtes, restait suspendue à l’évolution de la situation sécuritaire dans le Cabo Delgado, cette province pauvre à majorité musulmane, située à la frontière du Mozambique avec la Tanzanie, en proie à des attaques djihadistes depuis 2017, menées notamment par le groupe État Islamique.
Ces violences ont déjà provoqué 4 600 morts et le déplacement d’un million de personnes. En mars 2021, une attaque d’ampleur vise la ville de Palma, à quelques kilomètres du chantier du projet Mozambique GNL de TotalEnergies, et provoque la suspension sine die des travaux par la major pétrolière française. Peu de temps après, ExxonMobil, qui disposait aussi d’une concession dans cette « zone 1 », jette à son tour l’éponge.
Un navire de Mozambique GNL accoste à Mocimboa da Praia, prélude à une reprise du projet de TotalEnergies ?
Depuis, la question de la reprise du projet à 16,5 milliards d’euros de TotalEnergies, son plus gros investissement en cours dans le monde, se posait régulièrement. Même si des attaques djihadistes sporadiques frappent toujours le Cabo Delgado, la province a été pacifiée. L’intervention de troupes venues de pays voisins, en particulier du Rwanda, ont permis de ramener le calme.
A l’automne 2022, la ville portuaire de Mocimboa da Praia, prise en 2020 par des djihadistes du groupe État Islamique, est libérée par les troupes panafricaines. Un bateau commercial accoste d’ailleurs pour la première fois depuis deux ans dans la ville portuaire mi-novembre 2022.
Symboliquement, le navire appartient à Mozambique GNL (donc à TotalEnergies), et le gouverneur du Cabo Delgado, Valige Tauabo, est présent aux cotés du patron du groupe français au Mozambique, Maxime Rabilloud, à l’arrivée du bateau. Il a livré une première cargaison de carburants, voitures, tracteurs et divers équipements pour des entreprises opérant dans la ville de Palma – dont plusieurs sous-traitants de TotalEnergies.
Patrick Pouyanné se rend en personne au Cabo Delgado
Preuve de l’importance stratégique du Cabo Delgado pour la major pétrolière française, son président Patrick Pouyanné s’est rendu en personne au Mozambique, dans le Cabo Delgado, le 3 février 2023. pour « faire le point sur la situation sécuritaire et humanitaire ». Il s’est rendu sur des points névralgiques du projet, le site industriel d’Afungi et le « resettlement village » de Quitunda.
Il a aussi visité Palma et Mocimboa da Praia, et a rencontré Filipe Nyusi. Il a surtout confié au médecin Jean-Christophe Rufin, engagé dans l’action humanitaire depuis 45 ans, la rédaction d’une « mission indépendante d’évaluation de la situation humanitaire dans la province du Cabo Delgado », qui doit aider TotalEnergies a décidé de reprendre ou non les travaux de Mozambique GNL.
Le patron de TotalEnergies confie à Jean-Christophe Rufin la rédaction d’un rapport sur la situation dans la province
« Depuis 2021, la situation dans la province du Cabo Delgado s’est sensiblement améliorée, grâce notamment à l’aide apportée par les pays africains qui se sont engagés pour ramener la paix et la sécurité », a déclaré sur place Patrick Pouyanné.
« La levée de la force majeure et la reprise des activités sur le site du projet de Mozambique LNG nécessitent notamment le rétablissement de la sécurité dans la région, la reprise du fonctionnement des services publics et le retour à une vie normale pour les populations de la région. La mission confiée à Jean-Christophe Rufin doit permettre aux partenaires de Mozambique LNG d’évaluer si la situation actuelle permet une reprise des activités dans le respect des droits humains », a-t-il ajouté.
Un sous-traitant de TotalEnergies annonce une reprise pour l’été 2023
Ce 1er mars 2023, un sous-traitant de TotalEnergies sur place, l’italien Saipem, a affiché publiquement son optimisme pour une reprise des travaux cet été, suite à des discussions avec TotalEnergies.
« Nous suivons les indications de TotalEnergies sur le plan de reprise. On nous dit que la sécurité s’est améliorée et dès que les bonnes conditions seront réunies pour redémarrer, nous serons prêts », a ainsi déclaré Saipem. Symptomatiquement, le Rwanda avait renforcé, peu avant cette déclaration, sa présence armée dans le Cabo Delgado.
Un porte-parole de TotalEnergies a commenté cette déclaration en indiquant attendre le rapport de Jean-François Rufin pour prendre une décision. Ledit rapport est attendu dans les jours prochains sur le bureau de Patrick Pouyanné. Il pourrait donner le feu vert à la relance d’un des nombreux projets africains liés au GNL.