La Chambre de commerce du Canada a publié, le 3 avril 2023, un rapport incitant le pays à développer ses capacités d’exportation de gaz naturel sous forme de GNL, pour aider à décarboner les pays dépendant du charbon, et soutenir le commerce extérieur du pays. Sixième producteur mondial de gaz fossile, le pays n’en exporte pour l’heure que vers son voisin états-unien.
Le Canada va-t-il entrer, lui aussi, dans la grande danse mondial du GNL ? L’asséchement des livraisons russes de gaz fossile vers l’Union européenne en 2022 a donné un nouveau coup d’accélérateur aux investissements dans de nouvelles capacités d’export de gaz liquéfié, un peu partout dans le monde.
Le Canada, important producteur et consommateur de gaz fossile
Le Canada est en effet un grand producteur de gaz fossile, en forte hausse ces dernières années, mais qui n’en exporte que par gazoduc vers son voisin états-unien, et ne participe donc pas aux marchés mondiaux du GNL.
En 2021, le pays a ainsi produit 172,3 milliards de m³ de gaz naturel, essentiellement dans l’Ouest du pays (Alberta et, secondairement Colombie britannique), en hausse de 14 % par rapport à 2011, ce qui le classe au sixième rang mondial, avec 4,3 % du total mondial.
Le pays est également un grand consommateur de gaz fossile, le cinquième mondial en 2021, avec 119,2 milliards de m3 (69 % de sa production), là aussi en hausse de 18,5 % depuis 2011.
Toutes les exportations de gaz canadien passent par gazoduc, et filent aux États-Unis
Il a exporté en 2021 75,9 milliards de m³ vers les États-Unis, via des gazoducs situés dans l’Ouest de l’Amérique du Nord, et importe 25,5 milliards de m³ depuis l’Est des États-Unis, pour un bilan net de 50,4 milliards de m³ exportés vers son voisin. L’ensemble est complété par des importations ponctuelles de moins d’un milliard de m³ de GNL, grâce à une petite unité de regazéification.
Depuis plusieurs années, certains analystes invitent le Canada à se doter d’infrastructure de liquéfaction du gaz fossile, afin de profiter des prix sur le marché du GNL, beaucoup plus intéressants que ceux du marché états-unien, tiré par le bas par l’abondance du gaz de schiste.
Mais, pour l’heure, un seul projet de plateforme GNL est en cours, celui mené par Shell à Kitimat, en Colombie-Britannique, sur la côte Ouest du pays, et qui devrait entrer prochainement en service. Baptisé LNG Canada, il disposera d’une capacité de 26 millions de tonnes de GNL par an, destiné au marché asiatique, et notamment chinois.
Un rapport enjoint le Canada d’augmenter sa production de gaz et de se doter d’infrastructures de GNL
Mais l’invasion de l’Ukraine a redonné du poids aux projets de GNL canadien. Le 3 avril 2023, la Chambre du commerce du Canada a ainsi rendu public un rapport exhortant le gouvernement fédéral à sérieusement considérer la construction des infrastructures nécessaires pour accélérer l’extraction de gaz fossile et l’exportation de GNL.
Le rapport s’appuie notamment sur des raisons climatiques : exporter du gaz en Asie permettrait de remplacer des centrales électriques au charbon (le combustible fossile émettant le plus de CO2), par des centrales au gaz (le moins émetteur des trois fossiles).
Le gaz canadien, un atout de transition énergétique ?
Qui plus est, comme le souligne Eric Miller, président du Rideau Potomac Strategy Group basé aux États-Unis et auteur du rapport, le gaz canadien est produit dans le cadre d’une tarification du carbone, et de manière conventionnelle. Cela pourrait lui donner un avantage commercial dans les années à venir, les taxes carbones risquant de peser de plus en plus sur les différents combustibles fossiles.
Le rapport défend donc l’idée que le gaz canadien est un atout de transition énergétique et le restera pour longtemps. « Cette initiative pourrait non seulement soutenir les exportations de gaz naturel, mais aussi toute une gamme de services, de technologies et de matériaux », peut-on lire dans le texte.
Renforcer le réseau de gazoduc, en pensant aussi à l’hydrogène
Eric Miller propose de simplifier les processus réglementaires, et d’accorder aux peuples autochtones une plus grande participation dans les projets gaziers. Il milite pour construire des stations GNL sur les côtes, et notamment sur la côte Est pour fournir l’Union européenne.
Le rapport souligne que, depuis 2008, pas moins de 18 projets d’usine de liquéfaction ont vu le jour, et que le LNG Canada de Shell est le seul à être entré en construction. Eric Miller appelle également à renforcer le réseau de gazoducs dans le pays, soulignant qu’il pourrait également servir à transporter de l’hydrogène.
Quand Olaf Scholz militait pour une relance de GNL Québec
Même s’il n’est pas nommément cité, le rapport milite clairement pour la relance du projet GNL Québec, rangé dans un carton mais que le chancelier allemand Olaf Scholz a tenté de ranimer durant son voyage au Canada en août 2022, où il a rencontré le premier ministre Justin Trudeau.
C’était l’époque où le chef de l’exécutif allemand s’était transformé en VRP du gaz, et courrait le monde en quête d’alternatives à la fourniture russe. Il n’a toutefois pas réussi à décrocher un contrat avec son homologue canadien, du moins pas sur le gaz. Le deux pays se sont entendus pour un accord d’exportation d’hydrogène vert à horizon 2025. Mais en cas de relance rapide du projet, nulle doute que l’Allemagne serait un client naturel de la future plateforme de liquéfaction.