Les forages offshore ont commencé au large du Sénégal, et le début de l’exploitation du gaz fossile dans le pays devrait commencer cette année. Si le gisement GTA, partagé avec la Mauritanie, devrait surtout servir à fournir les marchés mondiaux de GNL, et en particulier l’Europe, les deux autres devraient essentiellement couvrir les besoins énergétiques du pays. Avec le triple objectif de réduire la dépendance aux fossiles importés, augmenter la production électrique en réduisant son impact carbone, et enrichir le pays. Les ONG invitent les dirigeants sénégalais à ne pas oublier les renouvelables dans l’équation, qui pourraient devenir l’autre pilier de la souveraineté énergétique du Sénégal.
Reportés à cause du Covid-19, les travaux de forage au large des côtes sénégalaises et mauritaniennes, dans le champ gazier de Grand tortue Ahmeyim (ou GTA), menés par BP, progressent à un bon rythme. Les premiers m³ de gaz sont attendus d’ici la fin de l’année 2023, peut-être dès l’automne si les planètes s’alignent.
Le Sénégal va démarrer cette année l’exploitation du champ GTA, co-détenu avec la Mauritanie
Dans le même temps, la major pétrolière britannique poursuit ses travaux préparatoires dans les deux autres champs, Yaakar et Teranga, situés, eux, intégralement dans les eaux sénégalaises.
Les réserves de GTA sont estimées à 1 400 milliards de m³, et il devrait atteindre capacité annuelle de 2,5 millions de m³ dès 2024, qui augmentera progressivement pour atteindre 10 millions de m³ en 2030. BP fournira également le port méthanier, situé à la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal, et destiné à transformer le gaz fossile en GNL pour l’exporter.
L’Allemagne attend déjà le gaz sénégalais avec impatience
L’essentiel du gaz produit par ce premier champ gazier est en effet promis aux marchés internationaux, et plus particulièrement à l’Europe, toujours en manque de gaz depuis la fin des livraisons russes par Nord Stream.
Le chancelier allemand Olaf Scholz s’était d’ailleurs rendu à Dakar à l’été 2022 pour négocier directement avec le président sénégalais Macky Sall une préemption sur le futur gaz sénégalais.
Yaakar-Teranga, un gisement pour la production énergétique nationale
Mais, si ces exportations devraient faire un bien fou à la balance commerciale sénégalaise, et si l’exploitation du gaz devrait permettre au pays de doubler sa croissance, selon la Banque mondiale, c’est le gisement de Yaakar-Teranga qui doit devenir le fer de lance de la révolution énergétique du pays.
En effet, ces deux champs sont situés au large de Dakar, la capitale, et donc à proximité des principales zones industrielles du pays, ainsi que du point de départ de tout le réseau électrique sénégalais. Ce gisement servira donc à alimenter plusieurs centrales électriques au gaz qui devraient être construites. Le pays envisage également de convertir au gaz fossile plusieurs de ses centrales au fioul.
Actuellement, l’électricité sénégalaise est produite à 80 % avec des produits pétroliers importés. « On importe du fioul et c’est subventionné. Le fait d’utiliser du gaz permettra de réduire considérablement les subventions qui laissera de l’espace budgétaire pour consacrer des investissements à l’extension du réseau, etc. », pointe Papa Daouda Diène de l’ONG NRGI.
Vers un cercle vertueux gazier pour le Sénégal ?
Moins d’importations, moins de subvention, une baisse des émissions carbone, et des prix en baisse : le gaz pourrait aider le pays à entre dans un cercle vertueux. « On peut anticiper même sur les baisses aux consommateurs finales de l’ordre de 30% de ce qu’ils paient classiquement », pointe Mohamed Abdallahi Seck de l’Association sénégalaise pour le développement de l’Énergie en Afrique.
« Et cela permettra surtout d’aller vers l’industrialisation. Que ce soit dans le fer, l’agroalimentaire, la pétrochimie, les engrais. En fait, l’industrie de transformation », ajoute Awa Marie Coll Seck, présidente du comité ITIE pour la transparence dans les industries extractives au Sénégal.
Quelle place pour les renouvelables dans cette stratégie ?
Le gaz pourrait représenter d’ici 20 ans jusqu’à 80 % du mix énergétique sénégalais. Cette manne gazière ne doit toutefois pas empêcher le pays d’investir dans les renouvelables, tant pour des raisons climatiques que de souveraineté.
Papa Daouda Diène de NRGI ne veut pas que le pays se laisse aveugler par cette facilité à user des hydrocarbures, et oublier les renouvelables, comme l’a pu faire l’Algérie.