Pour tenir son objectif de neutralité carbone en 2050, le Vietnam compte s’appuyer sur les renouvelables, mais aussi sur le gaz fossile, qui devra remplacer le charbon ou le fioul (plus émetteurs de CO2), tant pour son électricité que pour son industrie. La production gazière nationale du Vietnam a longtemps couvert sa consommation, mais la donne est en train de changer : le pays entend donc exploiter à moyen terme de nouveaux gisements gaziers sur son sol (notamment les champs de Nam Du et de U Minh), et a reçu cet été sa première cargaison de GNL, actant l’entrée du pays sur le marché international du gaz livré par méthaniers.
Le Vietnam est face à un défi considérable : poursuivre un développement économique et énergétique qui en font une puissance émergente en Asie du Sud-Est, tout en tenant un objectif de neutralité carbone pour 2050. En trente ans, la population du pays a doublé, et sa consommation d’énergie primaire a été multipliée par 5.
La croissance économique et énergétique du Vietnam s’est appuyée sur le charbon
Pour aggraver encore le bilan carbone du pays, cette hausse de la consommation d’énergie a été essentiellement soutenue par une croissance des volumes d’hydrocarbures consommés, tout particulièrement du charbon.
L’hydro-électricité s’est certes développée, mais elle ne compte plus que pour 30 % de la production électrique du Vietnam en 2020 (contre environ 60 % en 1990), là où le charbon couvre désormais près de 50 % de la demande électrique (23 % en 1990) et surtout plus de la moitié de la consommation d’énergie primaire !
La croissance économique vietnamienne de ces trente dernières années, et tout particulièrement de ces 20 dernières années, s’est donc massivement appuyée sur le charbon.
Pour sa transition énergétique, le Vietnam mise sur les renouvelables et sur le gaz
Aujourd’hui, le pays veut réduire cette dépendance au plus polluant des combustibles fossiles, via une politique volontariste de valorisation de son potentiel renouvelable (notamment solaire), mais aussi par la substitution du charbon par le gaz, beaucoup moins émetteur de gaz à effet de serre.
Le plan national de développement de l’électricité pour la période 2021-2030 prévoit ainsi que d’ici 2030, le gaz couvre environ 28% de la production totale d’électricité du Vietnam – contre environ 14 % aujourd’hui –, dans un contexte de hausse de la consommation électrique. Le gaz est également plébiscité pour remplacer le charbon ou le pétrole dans un maximum de procédés industriels.
Le Vietnam est auto-suffisant en gaz fossile depuis qu’il utilise cette ressource, grâce à plusieurs champs gaziers en exploitation, notamment le champ offshore de Cá voi xanh, au large de Đà Nẵng. Mais la hausse programmée des volumes consommés va imposer une augmentation de l’approvisionnement national, qui passe par le développement de nouveaux gisements, mais aussi (et surtout) l’entrée sur le marché du GNL.
Vers une mise en exploitation des champs de Nam Du et de U Minh
Concernant le premier objectif, le Vietnam entend valoriser dès que possible les champs gaziers de Nam Du et de U Minh, dans le sud du pays. Dans ce but, le Première ministre vietnamien Pham Minh Chinh a reçu, début août 2023, le PDG du groupe hydrocarbure singapourien Jadestone Energy, Paul Blakeley, afin d’accélérer cette mise en exploitation.
Le chef de l’exécutif a notamment demandé au ministère de l’Industrie et du Commerce d’ordonner au groupe gazo-pétrolier du Vietnam (PVN) « de soutenir activement Jadestone Energy lors de ses négociations avec les parties prenantes ». Paul Blakeley s’est engagé quant à lui à résoudre dès que possible les « obstacles » empêchant pour l’heure de lancer les forages.
Le GNL érigé en priorité énergétique nationale
Mais c’est bien sur le GNL que le pays veut miser à moyen terme, afin de pouvoir importer du gaz fossile, et ainsi réduire son utilisation du charbon et du fioul dans la production d’électricité et l’industrie. La résolution 55/NQ-BCT du Politburo sur les orientations de la Stratégie nationale de développement énergétique du Vietnam donne ainsi la priorité « aux investissements dans les infrastructures techniques pour l’importation et la consommation du GNL », avec un objectif d’importer 8 milliards de m³ de GNL d’ici 2030 et 15 milliards de m³ d’ici 2045.
Dans ce but, la Compagnie générale du gaz du Vietnam (PV Gas) a entrepris, dès 2009, la construction d’un terminal de regazéification de GNL à Thi Vai, non loin d’Hô Chi Minh-Ville, dans le sud du pays. Dans sa première phase, le terminal disposera d’une capacité d’un million de tonnes de GNL par an, extensible à 3 millions de tonnes.
Première livraison de GNL au Vietnam en juillet 2023
Retardée par la pandémie de Covid-19, la construction du terminal a été achevé en juillet 2022 par PV Gas et Samsung Engineering, chevilles ouvrières du projet. La mise en service technique de l’infrastructure, dans le respect des normes les plus strictes, a pris un an de plus, mais le terminal est rentré, début juillet 2023, dans sa phase d’essai pour une exploitation commerciale.
Le 10 juillet 2023, le méthanier Maran Gas Achilles, battant pavillon grec, a accosté au terminal GNL de Thi Vai, pour livrer la première cargaison de GNL de l’histoire du Vietnam, pour un volume total de 70 000 tonnes.
Adapter le cadre réglementaire
Mais le développement des importations de GNL pourrait se heurter à un cadre réglementaire encore peu adapté : PV Gas admet avoir fait face à de nombreuses difficultés pour commercialiser le gaz fourni par le méthanier.
« Nous espérons qu’à l’avenir, nous pourrons mettre en place un cadre juridique complet, couvrant les aspects techniques ainsi que les mécanismes et politiques, afin de favoriser le développement de l’industrie du GNL », a déclaré le directeur général de PV Gas, Pham Van Phong. La révolution énergétique que veut mettre en place le Vietnam est probablement à ce prix.