Les États-Unis demeurent un acteur-clé du marché international du gaz, et le pays s’appuie toujours sur ses importantes réserves gazières, en particulier de gaz de schiste, tant pour sa production d’électricité (où la part du gaz devrait encore augmenter en 2023) que pour ses exportations par GNL. Ces dernières ont connu une hausse significative en 2022 (+8,5%), mais ont surtout connu un véritable bouleversement des acheteurs, avec une multiplication entre 2 et 3 des volumes exportés vers les pays européens (France, Royaume-Uni et Espagne en tête), et un effondrement des volumes livrés à la Corée du Sud, au Japon, à l’Inde, et, surtout, à la Chine et au Brésil.
Le gaz fossile reste, avec le pétrole, l’un des socles de la politique énergétique des États-Unis. Premier producteur et consommateur mondial, troisième exportateur (derrière la Russie et le Qatar), le pays a largement profité de l’exploitation de ses immenses réserves de gaz de schiste (à l’extraction largement plus polluante que les gisements conventionnels) pour augmenter drastiquement sa production (+61 % entre 2010 et 2021).
Hausse de la place du gaz dans le mix électrique états-unien
Le pays s’appuie largement sur le gaz fossile pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de sa production électrique (en complément du développement des renouvelables), et mettre progressivement fin à l’utilisation du charbon.
Les derniers chiffres de l’EIA (Energy Information Administration) montre que, tant pour l’hiver passé que l’été à venir, le gaz a renforcé sa place dans le mix électrique états-unien. Durant l’hiver 2022-2023 (correspondant aux cinq mois de novembre, décembre, janvier, février et mars), la production électrique des centrales états-uniennes au gaz a atteint son plus haut depuis 1997, avec 619 TWh en tout.
La part du gaz dans le mix électrique a ainsi bondi de 35 % durant l’hiver 2021-2022 de 38 % durant l’hiver 2022-2023. Dans le même temps, la part du charbon a baissé de 21 % à 18 %.
Pic de consommation estival
Mais la consommation d’électricité aux États-Unis ne suit pas la même évolution annuelle qu’en France, située en zone tempérée, où le pic de consommation est en hiver, et le plus bas au cœur de l’été. Le pays regorgent de climats (très) chauds en été, et les besoins en climatisation poussent le pic de consommation en juillet et en août (avec des minimums de consommation en mai et en octobre).
En moyenne, la consommation mensuelle d’électricité aux États-Unis est 50 % plus élevée en juillet-août qu’au mois le plus froid de l’hiver. Et comme c’est la période où la production éolienne est la plus faible, la consommation de gaz fossile connaît toujours un pic.
Là encore, le recul progressif du charbon booste la part du gaz fossile : l’EIA annonce une hausse de 3 % de la consommation de gaz fossile sur les trois mois « chaud » (juin, juillet et août) de 2023.
Sur l’ensemble de l’année 2023, l’EIA table sur 41 % de gaz fossile dans le mix électrique états-unien (contre 39 % en 2022), 23 % de renouvelables, 19 % de nucléaire et 16 % de charbon.
Des exportations de GNL états-unien en hausse en 2022
Dans le même temps, les États-Unis sont le grand vainqueur crise énergétique qui a frappé le monde (et tout particulièrement l’Union européenne) en 2022, grâce à ses exportations de GNL, qui ont connu une hausse en volume et une explosion en prix (boosté par des cours qui ont atteint des sommets, poussés notamment par la rupture d’approvisionnement russe en Europe).
Les États-Unis exportent historiquement du gaz par oléoduc vers le Canada (et, très secondairement, le Mexique), mais dont les volumes sont à peu près équivalent au gaz importé depuis leurs voisins. Ces importations et exportations sont plus des ajustements de production dans un marché global que de « vrais » échanges commerciaux ayant un impact sur la balance commerciale.
Le GNL concentre donc la totalité des « vraies » exportations gazières états-uniennes (issues, une fois encore, majoritairement du gaz de schiste). Et, en la matière, les États-Unis se sont imposés récemment comme un acteur incontournable : de 1 820 milliards de pieds-cube en 2019, les exportations de GNL états-uniennes ont bondi à 2 390 milliards de pieds-cube en 2020, 3 561 milliards en 2021, et 3 866 milliards de pieds-cube en 2022.
Des exportations redirigées massivement vers l’Union européenne
La hausse entre 2021 et 2022 reste significative, 8,5 %. Mais c’est la répartition par pays qui a connu un profond bouleversement. Les États-Unis ont clairement réorienté leurs exportations vers le Vieux-Continent, à la fois pour soutenir des alliés de l’OTAN dans la lutte d’influence contre la Russie et pour profiter du prix que ces derniers étaient prêts à payer.
En 2022, les trois premiers importateurs de GNL états-uniens furent la France, le Royaume-Uni et l’Espagne, avec des hausses vertigineuses : de 171 à 571 milliards de pieds-cube pour la France (+234%), de 195 à 464 milliards pour le Royaume-Uni (+137%), de 215 à 427 milliards pour l’Espagne (+98%).
Les autres pays européens ont également vu leur exportation exploser : Pologne, de 56 à 127 milliards de pieds-cube (+126%), Italie, de 34 à 116 milliards de pieds-cube (+241%), Belgique, de 6 à 80 (+1 233%), Croatie, de 36 à 77 (+126%), Lituanie, de 31 à 77 (+148%), Portugal, de 66 à 70 (+6%), Grèce, de 40 à 69 (+72%).
Il est à noter que ses exportations n’ont pas toutes été consommées par le pays de destination, en particulier dans le cas de la France, qui a largement réexporter le gaz états-unien regazéifié vers l’Allemagne : le pays ne disposait pas, en 2022, de terminal de GNL, il a donc utilisé ceux de ses voisins pour se fournir sur les marchés internationaux.
… au détriment des partenaires historiques des États-Unis
Mais surtout, cette hausse vertigineuse des volumes exportés vers l’Union européenne s’est fait au détriment des acheteurs habituels de l’Oncle Sam. L’année 2022 a été marqué par un effondrement des volumes exportés vers la Corée Sud (de 453 à 289 milliards de pieds-cube, -37%), le Japon (de 355 à 212 milliards, -40%) ou de l’Inde (de 196 à 123 milliards, -37%).
Mais c’est surtout la Chine et le Brésil à qui les États-Unis ont littéralement coupé le robinet à gaz, avec des exportations de GNL qui sont passé de 453 à 98 milliards de pieds-cube pour Pékin (-78%) et de 308 à 72 milliards de pieds-cube pour Brasilia (-76%).
Et si la Chine a pu se fournir, en partie, en gaz livré par gazoduc par la Russie, si le Japon ou la Corée ont accepté la solidarité occidentale et ont acheté du GNL sur les marchés internationaux, la plupart de ces pays, Inde en tête, ont compensé les volumes de gaz non livrés par les États-Unis en faisant tourner leurs centrales au charbon.