Dans la grande famille des énergies, le gaz naturel liquéfié a la particularité d’être très utilisé, mais finalement peu connu. Complément parfois intéressant aux énergies renouvelables, son développement s’accélère dans le monde grâce à une forte demande asiatique. La France importe 22 % de son gaz sous forme liquéfiée, mais tend à suivre la tendance européenne de désengagement progressif du GNL au profit des énergies renouvelables.
Le mouvement de balancier entre les énergies fossiles et renouvelables est lancé à l’échelle mondiale. La volonté d’acquérir un parc d’énergies renouvelables est évidente dans des pays aussi différents que l’Allemagne, la Chine, les Etats-Unis ou l’Inde. La France n’est pas en reste avec l’objectif de baisser la part du nucléaire (énergie bas carbone) de 75 % à 50 % au profit des énergies renouvelables. Pourtant, un autre acteur tend à accroître sa présence discrètement sur la scène internationale : le Gaz naturel liquéfié (GNL). Ce dernier connaît un vrai succès grâce à la forte demande issue des pays asiatiques, à commencer par le Japon post-Fukushima qui a dû s’adapter rapidement à une énergie non nucléarisée.
Mais qu’est-ce que le gaz naturel liquéfié ? Il s’agit de gaz naturel, extrait du sous-sol, qui va être acheminé par gazoduc dans une usine de liquéfaction. L’objectif est de rendre le gaz liquide pour le transporter sur de grandes distances par voie maritime. Car s’il est facile pour le Texas d’envoyer son gaz à l’Etat du Michigan pour y être consommé, la manœuvre devient impossible dès lors qu’il faut traverser l’Atlantique pour approvisionner un pays comme l’Angleterre. C’est d’ailleurs ce dernier qui a reçu en 1959 la première livraison de gaz liquéfié grâce à une technique connue depuis plusieurs décennies et qui a été industrialisée au fil du temps.
GNL : un processus technique maîtrisé
A son arrivée à l’usine de liquéfaction, le gaz subit toute une batterie de traitements avant d’être refroidi à -161 degrés Celsius. Il devient entièrement liquide, s’évapore peu, et peut-être transporté sur de grands méthaniers en direction des pays consommateurs. Le Qatar est aujourd’hui le premier exportateur au monde et s’est doté d’une flotte de vaisseaux impressionnante où l’on compte les plus gros méthaniers. Ces monstres longs de 345 m pour une largeur de 54 m peuvent contenir 267 000 m3 de GNL. L’opération est rentable car en liquéfiant le gaz, son volume est 600 fois plus petit qu’à l’état gazeux avec le même pouvoir calorifique. Le GNL est ensuite déversé dans un terminal méthanier où il est gazéifié avant d’être consommé par le destinataire final (particuliers, entreprises, etc.).
Ce processus est complexe d’un point de vue technique, mais désormais bien maîtrisé. On dénombre une centaine de terminaux de réception et de regazéification répartis dans 26 pays (sur 4 continents). Ces terminaux sont alimentés par une flotte mondiale de 378 méthaniers. Le GNL est donc une énergie de dimension mondiale qui a toutefois certaines limites. Il faut d’abord disposer d’une façade maritime et d’infrastructures adaptées pour le recevoir. De plus, le coût énergétique de tout ce processus n’est pas anodin. Les méthaniers récupèrent le gaz en évaporation pour alimenter leur moteur, mais l’opération de liquéfaction est coûteuse en énergie. Une centrale de ce type ponctionne environ 12 % du gaz traité pour ses propres besoins énergétiques.
Un contexte plus favorable aux énergies renouvelables
En France, EDF a construit une nouvelle centrale de regazéification à Dunkerque, mise en service en janvier 2017. Détentrice de 65 % du complexe, EDF souhaiterait changer de stratégie et alléger sa participation, voire vendre toutes ses parts. Cet investissement de 1,2 milliards d’euros qui voit transiter 20 % du GNL consommé en France et en Belgique, ne ferait plus partie des priorités du groupe. Deux banques auraient été mandatées par EDF et chercheraient des repreneurs. Grâce à cette opération, le groupe pourrait ainsi poursuivre son repositionnement en faveur des énergies renouvelables.
Le cas d’EDF est loin d’être unique en Europe où les capacités des usines de regazéification sont généralement loin d’être atteintes. Le Vieux Continent suit une trajectoire opposée à celle de l’Asie où la demande progresse rapidement en raison de la sortie du nucléaire par le Japon et des besoins toujours plus importants en énergie de la Chine et de l’Inde. La Russie entend répondre à une partie de cette demande en ouvrant un terminal de liquéfaction en Sibérie, non loin de ses clients asiatiques. Côté français et européen, la donne est différente. Les énergies renouvelables sont désormais la priorité numéro un dans une majorité de pays et le GNL est plus perçu comme un appoint surtout que le gaz de schiste américain commence à affluer.
Ainsi, ce désengagement d’EDF s’inscrit dans le vaste programme de cession d’actifs de l’ordre de 10 milliards d’euros. L’énergéticien souhaite concentrer ses efforts sur le développement des énergies renouvelables et les services à l’énergie. Si le site de Dunkerque ne fait – pour le moment – pas l’objet de déclaration dans la presse, EDF a annoncé la semaine dernière son objectif de doubler son chiffre d’affaires dans les services énergétiques d’ici à 2025. En cédant des actifs notamment dans le GNL, EDF entend acquérir des entreprises ou prendre des participations dans des groupes spécialisés dans les services énergétiques. Une stratégie certainement plus en phase avec l’évolution du contexte énergétique français et européen.