Une équipe de l’Université belge de Liège a relevé une hausse d’éthane dans l’atmosphère dans une station d’altitude en Suisse. Or la provenance de ce gaz est improbable mais prouvée : l’extraction du gaz de schiste aux États-Unis
Une station de mesure helvète a relevé une hausse d’éthane dans l’atmosphère, directement issu du gaz de schiste américain. C’est l’Institut d’Astrophysique et de Géophysique de l’université de Liège, qui exploite depuis le début des années 1990, un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier, installé à 3580m d’altitude dans la station suisse de Jungfraujoch qui en a fait l’annonce.
Une augmentation de sa mesure depuis 2009
L’appareil mesure l’abondance et la répartition d’une trentaine de gaz de l’atmosphère jusqu’à 100km de hauteur, limite haute de l’atmosphère. « Avec 25 ans de données, nous avons eu l’idée de construire une série temporelle sur l’évolution d’un gaz, l’éthane, dont la source d’émission est très spécifique », explique Bruno Franco, principal auteur de l’étude parue dans le Journal of quantitative spectroscopy and radiative transfer.
Or, la présence de ce gaz est constante hausse depuis 2009, année qui correspond à l’explosion de l’exploitation du gaz de schiste tandis qu’au 20ème siècle, ce gaz très polluant avait plutôt tendance à reculer.
A l’inverse du méthane dont les émissions sont diffuses et très variées (élevage, agriculture, marais, réchauffement du permafrost, etc.), l’éthane n’est issu que des fuites de gaz naturel des puits d’extraction. Il favorise l’apparition de l’ozone, un composant qui oxyde les plantes et irrite les voies respiratoires des humains. « Depuis 2009, ces émissions augmentaient de 5% par an alors que dans les deux décennies précédentes, elles diminuaient de 1% », explique encore Bruno Franco.
Des résultats semblables en Amérique du Nord
Sans forcément faire un rapprochement immédiat, dans un premier temps, avec l’exploitation du gaz de schiste, les chercheurs afin d’éclairer leurs résultats, ont contacté les responsables des autres spectromètres dans le monde notamment les américains puisque la vingtaine de stations de spectrométrie en infrarouges dans le monde est réunie au sein du Network for detection of atmosphéric composition change (NDACC).
Bien qu’une station de mesure néo-zélandaise n’est relevé aucune modification dans ses mesures, celles situées en Amérique du nord et au Groenland ont mesuré elles aussi une présence plus importante d’éthane depuis 2009. Pour Bruno Franco, « Il s’agit donc d’émissions se situant dans les latitudes tempérées de l’hémisphère nord et ces émissions sont massives puisqu’elles sont mesurables en Europe alors que l’éthane n’a que deux mois de durée de vie dans l’atmosphère »
L’année 2009 correspondant à une exploitation importante du gaz de schiste aux Etats-Unis, avec 1220 puits enregistrés en septembre 2015 avec une pointe à 1592 puits il y a tout juste un an, les chercheurs viennent alors confirmer des craintes déjà évoquées par la presse scientifique. Ces puits, qui font l’objet d’une polémique intense dans la presse scientifique, subissent bien l’existence de fuites de gaz lors des extractions qui y sont effectuées. Les estimations ne sont jamais inférieures à 4% de pertes.