Une étude du très réputé cabinet Boston Consulting Group (BCG) révèle que les coûts de production de l’industrie américaine dans son ensemble seront bientôt moins élevés qu’en Chine. L’abondance de gaz de schiste dans les sous-sols américains en est la principale explication. Un avantage compétitif majeur à l’heure où l’on apprend que les Etats-Unis sont passé les leaders mondiaux de la production énergétique issue du pétrole et du gaz.
La fracturation hydraulique va-t-elle profiter encore longtemps aux Etats-Unis ? Il y a un an, Andrew John Hall, l’un des plus influents traders spécialistes du pétrole de Wall Street, prédisait une fin rapide de la « révolution des hydrocarbures de schiste », notamment à cause du caractère « court-termiste » de leur extraction. Mais selon le cabinet international de stratégie Boston Consulting group (BCG), qui vient de publier une étude, c’est justement l’extraction de pétrole et de gaz de schiste qui a permis aux sociétés américaines de réduire leurs coûts de production.
En effet, le cabinet d’étude assure que l’extraction de pétrole et de gaz de schiste est le principal facteur de la réduction des coûts de production aux Etats-Unis. Le rapport estime que le coût moyen de fabrication serait seulement 5% plus élevé qu’en Chine, et 10% à 20% plus bas que dans la plupart des grands pays européens.
Une révolution sur le paysage du tissu productif mondial pourrait même être en train de se jouer à l’heure actuelle puisque la Chine pourrait ne plus être le pays où les coûts de production sont les moins élevés. Aux Etats-Unis, ceux-ci pourraient être 2% à 3% moins élevés qu’en Chine en 2018. Sauf que le pétrole de schiste est soumis à la forte volatilité des cours du baril de Brent qui après une baisse continue depuis la fin de l’été dernier, sont repartis à la hausse depuis deux mois.
Un bouleversement du tissu productif mondial
Une nouvelle qui est en train de faire grand bruit et qui démontre une fois de plus tout le potentiel de l’essor de la filière du gaz de schiste même si dans le même temps, un autre facteur participe également à cette réduction des coûts : l’augmentation des salaires en Chine. La hausse accélérée des salaires chinois depuis 2010, de l’ordre de 20% en rythme annuel, remettrait en cause les équilibres de « la chaîne de valeur du commerce mondial ». Le 22 juin dernier, le président de Pythagore Consult, Jean-Luc Buchalet, affirmait que « la forte hausse des salaires des chinois favorisait la relocalisation des usines aux États-Unis ». En outre, les entreprises américaines ont augmenté leur productivité « beaucoup plus rapidement » que leurs concurrents internationaux, selon le BCG.
Si les Etats-Unis sont sur le point de bénéficier de coûts de production moindres qu’en Chine, c’est aussi dû au coût général de l’énergie, qui a chuté dans le pays, de 30 à 50% de plus que dans les autres grands pays occidentaux. En effet, le fait de disposer sur son sol national de ressources colossales permet de bénéficier d’une énergie bon marché, voire très bon marché. Du gaz abondant et peu cher donc qui en plus employé dans la plupart des procédés de production aux USA comme dans la pétrochimie, l’industrie plastique, le papier, l’acier, l’aluminium….Autant de secteurs industriels sur lesquels les Etats-Unis ont gagné en rentabilité.
Il est à noter que grâce à la baisse du coût de l’énergie aux Etats-Unis, de nombreuses entreprises ont été encouragées par des nouveaux rounds d’investissements sur le sol américain, délaissant leur politique de délocalisation tous azimuts. En a résulté une enveloppe d’investissements de près de 150 milliards de dollars sur les dernières années. Ce printemps par exemple, le géant pétrochimique Sasol a entamé la construction d’un craqueur d’éthane à Lake Charles, pour 8,1 milliards de dollars, selon le site économique Fortune.
Un phénomène parti pour durer
Ce retournement de situation n’est apparemment pas prêt de s’estomper selon Michael Porter, membre de la Harvard Business School, qui constate que « les Etats-Unis ont quinze années d’avance sur les autres nations » concernant la fracturation hydraulique. Nommé « les opportunités de l’énergie non-conventionnelle pour les Etats-Unis », le rapport révèle que les Etats-Unis détiennent 101.117 puits fracturés, le Canada 16.990, et la Chine… seulement 258.
Attention tout de même à retour de bâton puisque certains des grands groupes industriels qui s’étaient rués vers l’extraction de schiste commencent à se poser des questions. La rentabilité du pétrole de schiste étant soumise aux prix du baril de Brent et le prix d’extraction du pétrole non-conventionnel coûtant malgré tout plus cher que le pétrole conventionnel, ces groupes pourraient favoriser un baril de pétrole conventionnel produit pour 4$ en Arabie Saoudite à un baril de pétrole à extraire non-conventionnel américain coûte environ 70 dollars à produire.
L’opinion américaine sera également à prendre en compte, à l’heure où se profile des élections présidentielles, et qui tend de plus en plus en défaveur des exploitations de schiste, particulièrement en raison des problèmes écologiques que pose la fracturation hydraulique.