Sabotage de Nord Stream : un navire de guerre russe avec un sous-marin identifié

Un quotidien danois a révélé, fin avril 2023, qu’un avion patrouilleur danois aurait pris en photo un navire militaire russe à proximité des gazoducs Nord Stream, quelques jours avant leur sabotage. Ce bateau, disposant d’un sous-marin, serait spécialisé dans les opérations sous-marines. Les autorités militaires danoises disposeraient de 26 clichés de ce navire de guerre sur zonehttps://www.le-gaz.fr/amerique-du-nord/14012022,livraison-de-gnl-joe-biden-au-soutien-de-l-europe,924.html. Les soupçons, qui pointaient plutôt vers l’Ukraine ces dernières semaines, se rabattent brutalement vers le Kremlin.

Le spectaculaire sabotage des gazoducs Nord Stream et Nord Stream 2, à la fin du mois de septembre 2022, continue d’agiter la diplomatie mondiale. L’opération a été réalisée dans des eaux territoriales danoises et suédoises, sur une infrastructure gazière opérée par Gazprom, un groupe russe, permettant de relier la Russie à l’Allemagne, et donc à l’Union européenne, pour lui livrer du gaz fossile.

Sabotage de Nord Stream : l’Occident accuse la Russie, qui accuse les Etats-Unis

Rappelons aussi que, durant tout le printemps et l’été 2022, Gazprom a joué au chat et à la souris avec l’Europe, et en particulier l’Allemagne, en réduisant, coupant, reprenant, rehaussant les flux de gaz transitant par Nord Stream, avec des justifications qui ne trompaient à peu près personne sur le caractère politique de ces variations.

La thèse d’un auto-sabotage russe, destiné à rompre définitivement l’approvisionnement en gaz par ces gazoducs, à occuper le terrain médiatique occidental (et donc moins parler de l’enlisement de l’armée russe dans la guerre en Ukraine), et à charger l’Occident, est privilégiée par l’Union européenne et les États-Unis.

Le Kremlin, de son coté, accuse les États-Unis d’avoir fomenté le sabotage, pour mettre la pression sur ses alliés européens et accuser faussement Moscou d’un acte qui arrangeait bien les vendeurs de GNL états-uniens.

L’hypothèse ukrainienne

En mars 2023, les premiers éléments d’enquête commencent à sortir dans la presse. Le parquet allemand admet avoir enquêté sur un bateau, loué par des Ukrainiens, et qui aurait pu contenir des explosifs.

Dans le même temps, le New York Times indique, sur la base d’informations consultées par le renseignement américain, qu’un « groupe pro-ukrainien » serait à l’origine des explosions. Le journal précise toutefois que le président ukrainien Volodymy Zelensky ne serait pas imploqué.

Aux cotés des pistes russes et états-unienne, une troisième hypothèse se fait donc jour : une opération pro-ukrainienne, menée hors du contrôle de l’État, aurait saboté le gazoduc pour accuser le Kremlin, renforcer la détermination des pays européens à soutenir Kiev, et priver la Russie des revenus de la vente du gaz en Europe.

Nouvelles révélations sur six navires de guerre russes en route vers les lieux des explosions

Interrogé sur le sujet, le procureur en charge de l’enquête en Suède, Mats Ljungqvist, a confirmé début avril 2023 que le sabotage était bien lié à la guerre en Ukraine, et qu’un « État était derrière ».

De nouvelles révélations, portées notamment par le média allemand T-Online et l’analyste de renseignements en sources ouvertes Oliver Alexander, indiquent alors que six navires de guerre russes auraient été présents à proximité de l’île danoise de Bornholm (près des lieux des explosions), le 21 septembre 2022.

D’après eux, l’un de ces bateaux était le navire spécial militaire russe SS-750, spécialisé dans les opérations sous-marines, et disposant d’un sous-marin AS-26 Priz. Cette révélation s’appuyait sur des informations provenant de sources anonymes et sur des images satellite montrant que le SS-750 avait quitté le port russe de Kaliningrad en même temps que les navires Aleksandr Frolov et SB-123.

Un quotidien danois révèle que les autorités disposeraient de 26 photos du SS-750, un navire russe avec un sous-marin, près de Nord Stream

Le commandement de la défense danoise avait indiqué disposer de 112 photos de ce convoi de navires russes, prises par des avions patrouilleurs danois, suédois et polonais dans les journées du 21 et 22 septembre 2022.

Le 28 avril 2023, le quotidien danois Information a enfoncé le clou de cette hypothèse russe. Il indique en effet qu’un avion patrouilleur danois, le P524 Nymfen, a survolé la zone où on eu lieu les explosions du 26 septembre, quatre jours avant, et a pris des photos du SS-750.

Le commandement de la défense danoise a confirmé, selon le journal danois, être en possession de 26 photos de ce navire russe sur zone. Ces clichés feraient parti des 112 photos déjà évoquées.

« Il est très probable que ces navires aient été impliqués dans l’opération de sabotage »

« C’est incroyablement intéressant. Le SS-750 est un navire spécial conçu précisément pour les opérations sous-marines », indique Joakim von Braun, un spécialiste suédois du renseignement russe et soviétique, a Information.

Il rejoint en cela l’analyste Oliver Alexander : « C’est une confirmation claire. Ce navire fait partie de la préparation de la Russie aux sous-marins et aux opérations sous-marines. En théorie, le navire aurait pu se trouver là pour d’autres raisons, mais le fait qu’il se soit trouvé à cet endroit précis à ce moment précis est particulier ».

« Cela indique qu’une grande partie des informations qui ont été révélées précédemment sont correctes. Le groupe de six navires mentionné a été constitué exactement pour ce type d’opération. Il est très probable que ces navires aient été impliqués dans l’opération de sabotage », ajoute Joakim von Braun.

« Quelque chose de suspect se produisait vers le 21-22 septembre 2022 dans la zone située à l’est de Bornholm »

Le quotidien danois rappelle d’ailleurs que « la réaction des unités militaires de plusieurs pays a clairement montré que quelque chose de suspect se produisait vers le 21-22 septembre 2022 dans la zone située à l’est de Bornholm. Dans les heures qui ont suivi, les forces armées danoises, suédoises et allemandes ont dépêché des navires dans la zone, qui a également été patrouillée par des avions de surveillance suédois et polonais ».

De même, la présence du patrouilleur danois P524 Nymfen dans cette zone à ce moment serait, à elle seule, un indice que des activités suspectes avaient été repérées. Interrogé à ce sujet, le commandement de la défense danoise a indiqué un laconique : « les mouvements du P524 Nymfen autour du 22 septembre 2022 ont suivi les tâches normales de l’unité, qui a été déployée dans le cadre de la surveillance maritime dans les eaux danoises ».

Mais les donnée indiquent que ce patrouilleur se trouvait dans cette zone pour la première fois en… cinq ans ! « Il ne s’agit pas d’un endroit où les Suédois et les Danois ont l’habitude de se rendre. Un jour normal de septembre, une telle chose ne se produit pas », pointe Jacob Kaarsbo, analyste principal à Think Tank Europe et ancien membre du service de renseignement de la défense danoise.

Autant dire que la piste russe semble, désormais, de très loin la plus probable… Mais les enquêtes sont encore loin d’être terminées, et elles doivent encore formellement prouver la responsabilité du Kremlin. Ces clichés y suffiront-ils ? L’avenir le dira…

On vous recommande

A propos de l'auteur Carole Carpentier

Tout juste titulaire d'une double master journalisme/biologie moléculaire, Carole Carpentier rejoint la rédaction du gaz.fr tout en continuant, en parallèle, de mener à bien ses études.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *