L’essor du gaz et du pétrole de schiste, qui a révolutionné le paysage énergétique américain, ne restera pas confiné aux seuls Etats-Unis, a affirmé Jean-Louis Schilansky, président du Centre hydrocarbures non conventionnels.
Ces dernières années, le pétrole et le gaz de schiste ont bouleversé le paysage énergétique américain. Mais qu’en sera-t-il en Europe et dans le reste du monde ? Selon Jean-Louis Schilansky, président du Centre hydrocarbures non conventionnels, les hydrocarbures de schiste prendront leur essor dans un monde qui a de plus en plus besoin d’énergie.
Un élément clé de l’approvisionnement du monde en énergie
A l’occasion de la présentation d’un panorama de l’exploration et de l’exploitation des gaz et pétrole de schiste à travers le monde, M. Schilansky a expliqué qu’ « avec [leurs] avantages par rapport au charbon », ces nouvelles sources seraient « un élément clé de l’approvisionnement du monde en énergie », dont les besoins sont sans cesse croissants.
Aujourd’hui, l’essentiel de la production mondiale d’hydrocarbures en pétrole et gaz de schiste provient des Etats-Unis (4,2 millions de barils par jour et 350 Gm3 de gaz de schiste) et du Canada (1 million de barils par jour et 30 Gm3 de gaz de schiste). Toutefois, le CHNC dénombre 10 autres pays qui ont engagé de vraies recherches sur le sujet : Argentine, Chine, Arabie Saoudite, Pologne, Royaume-Uni, Afrique du Sud, Algérie, Allemagne, Australie, Danemark et Russie.
Mais la production américaine est en baisse. Cette diminution sera probablement de l’ordre de 300.000 à 500.000 barils en 2016 pour les Etats-Unis, a prédit M. Schilansky, évoquant la grande réactivité du secteur à l’environnement prix alors que les ressources du pays sont estimées à 78 milliards de barils pour le pétrole, l’équivalent de 10 ans de la consommation américaine, et à 17.000 milliards de mètres cubes pour le gaz de schiste, soit plus de 20 ans de consommation. Aujourd’hui, pétrole et gaz de schiste, au niveau du développement et au niveau de la production, « c’est fondamentalement nord-américain. (…) Il y a environ 100.000 puits de production aux Etats-Unis et 20.000 au Canada. Dans tout le reste du monde, il y a moins de 1.000 puits, et probablement entre 500 et 1.000 », a pointé M. Schilansky.
De nouveaux producteurs
D’autres pays sont actuellement engagés dans la production d’hydrocarbures non conventionnels dont l’Argentine et la Chine. En Argentine, la production est encore modeste mais déjà 300 puits ont déjà été forés, avec 50.000 barils par jour pour le pétrole et environ 1,5 milliard m3 pour le gaz, mais les ressources du pays sont absolument considérables. Avec respectivement 27 milliards de barils et 22.000 milliards de m3, elles représentent plus de 100 ans et plus de 400 ans de consommation intérieure. Le pays souffre encore d’un cadre législatif instable et la population locale marque une certaine opposition à l’exploitation des hydrocarbures de schistes, extraits grâce à la technologie controversée de la fracturation hydraulique. Mais le gouvernement pousse à leur développement, qui lui permettrait de réduire sa dépendance à l’égard du gaz importé et de faire de grosses économies.
En Chine aussi, les ressources sont considérables pour le gaz : environ 31.000 milliards de m3, soit 160 ans de consommation, contre 32 milliards de barils pour le pétrole, équivalant à 8 ans de consommation. La situation en Chine est moins documentée, car le pays est moins transparent, mais le CHNC estime que la production de gaz de schiste y atteint déjà 5 milliards de m3 par an. Le gouvernement chinois cherche à diversifier sa production et à remplacer le charbon par d’autres énergies moins polluantes, mais il lui reste encore à résoudre la question de l’eau et des infrastructures en place dans les régions éloignées.
De nombreux autres pays ont démarré des travaux dans ce domaine, mais la situation y est moins avancée. Soit parce que l’opposition des populations locales y a ralenti les opérations, soit parce que les premiers forages se sont révélés décevants. Au Royaume-Uni, par exemple, où le gouvernement est très favorable à l’exploitation de ses ressources pour compenser le déclin de ses gisements en mer du Nord, le développement des hydrocarbures de schiste se heurte à la vive opposition des collectivités locales. Autre exemple, la Pologne, où environ 70 puits ont été forés mais où les compagnies étrangères ont fini par se retirer faute de découverte commercialement exploitable.
L’indépendance énergétique et la baisse des émissions de gaz à effet de serre
Tous ces pays ont deux objectifs. Il s’agit d’accroître leur indépendance énergétique ou de remplacer le charbon par du gaz, moins polluant dans la production d’électricité. Ainsi, la Pologne veut s’affranchir de la Russie et le Royaume-Uni veut compenser la baisse inexorable de sa production d’hydrocarbures en Mer du Nord. D’autre part, il y a une recherche de décarbonisation de l’économie comme en Chine, au Danemark et en Allemagne. « Le gaz de schiste est favorable à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. C’est grâce à cela que les Etats-Unis ont pu remplacer des centrales au charbon par des centrales à gaz et s’engager sur des baisses d’émissions de CO2 », remarque Jean-Louis Schilansky.
Toutefois, les recherches exploratoires sont plus ou moins couronnées de succès. Les études sur la Pologne annonçaient 4 000 Gm3 de gaz de schiste dans le sous-sol. Après les prospections décevantes de plusieurs majors, ce potentiel a été réduit à 550 Gm3 par l’Institut géologique Polonais. Les premières explorations de Total au Danemark n’ont pas engendré les résultats escomptés et le pétrolier français a mis en veille ses deux permis. A l’inverse au Royaume-Uni, les puits forés ont révélé un potentiel très important de 700 Gm3 de gaz de schiste soit 10 ans de consommation nationale. En Allemagne, les études évoquaient 500 Gm3 de réserves. Elles ont été réévaluées à près de 1300 Gm3 par l’Institut fédéral allemand des géosciences.
Depuis que la loi de 2011 a interdit la fracturation hydraulique en France, aucune étude n’a été menée sur le sous-sol français, et le CHNC refuse de parler de potentiel. « Aucun chiffre n’est fiable », assure Jean-Louis Schilansky.