Suite à un accord signé en avril 2022 avec l’italien Eni, la République Démocratique du Congo va se doter de deux terminaux de GNL dans le courant de l’année 2023. Ils permettront au pays d’exporte sa production de gaz naturel, notamment vers l’Union européenne. Cette construction s’inscrit dans une volonté de valoriser davantage les réserves de gaz naturel du pays, avec un triple objectif : réduire l’utilisation du bois de cuisson et du charbon en les remplaçant par du gaz ; augmenter la production électrique du pays par des centrales au gaz ; devenir exportateur de GNL.
La République Démocratique du Congo veut s’appuyer sur le gaz naturel pour soutenir son développement économique et son électrification. Le ministère congolais des Hydrocarbures a ainsi mis en place un Plan directeur pour le gaz (PDG), afin de mieux valoriser et exploiter les réserves de gaz du pays, qui s’élèvent à 238 milliards de m³, soit les septièmes plus importantes d’Afrique.
La République Démocratique du Congo s’est dotée d’un plan de développement du gaz fossile
Ce plan s’appuie d’abord sur de nouveaux forages gaziers dans les zones de réserves prouvées, ainsi que sur une hausse de la production des puits existants, notamment le puits offshore Marine XII, opéré par Eni.
Il prévoit également la valorisation du gaz combiné, co-produit par les puits de pétrole du pays, en stoppant son torchage (le fait de le brûler à la torche dès son émission pour éviter tout danger), en installant des dispositifs permettant de le récupérer.
La délicate question du méthane du lac Kivu
Le PDG a ensuite comme objectif de valoriser (enfin) le méthane du lac Kivu. Situé à la frontière entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo, ce lac renferme en effet d’importante quantité de ce gaz à effet de serre particulièrement toxique, estimée à 60 milliards de m³.
Son dégazage est donc à la fois un enjeu sanitaire (en cas de tremblement de terre ou d’éruption du volcan Nyiragongo, situé à proximité, le risque d’échappements massifs de méthane est réel, et aurait des conséquences désastreuses sur la santé des populations à proximité) et énergétique.
Et si le Rwanda a déjà commencé à extraire ce gaz pour produire de l’électricité, la République Démocratique du Congo ne s’est réellement penché sur cette question qu’en 2019, via un accord avec une société tunisienne, Engineering Procurement & Project Management (EPPM), pour qu’elle assure dégazage et production d’électricité. Mais cet accord a fait long feu et, à ce jour, aucun dispositif de dégazage n’est en activité sur la partie congolaise du lac Kivu.
Développer les capacités d’exportation du pays via des terminaux GNL
Le dernier objectif du PDG est de déployer des terminaux GNL pour permettre au pays de devenir un exportateur de gaz naturel. En avril 2022, le ministère congolais des Hydrocarbures a signé un accord avec Eni allant dans ce sens.
L’énergéticien italien va construire deux unités flottantes modulaires de liquéfaction de GNL de taille moyenne, d’une capacité combinée d’environ 2 millions de tonnes par an, installées dans son bloc Marine XII au large du Congo.
Accord avec Eni pour deux unités flottantes de GNL en 2023
Leur mise en service est prévue pour 2023, et elles devraient permettre au pays d’exporter du GNL, en particulier vers l’Italie, l’un des pays historiquement les plus dépendant en volume au gaz fossile russe dans son approvisionnement en énergie.
L’accord avec Eni n’a d’ailleurs provoqué que peu de remous, alors même que l’Italie avait bien signé, à la COP26 à Glasgow, l’accord promettant la fin des subventions aux projets d’énergies fossiles sans technique de capture de carbone à l’étranger. Mais la crainte d’une rupture de la fourniture en gaz russe a rendu ces préoccupations secondaires.
Appels d’offre pour des blocs pétroliers et gaziers
La République Démocratique du Congo a par ailleurs lancé, en juin-juillet 2022, un appel d’offre pour seize nouveaux blocs pétroliers et gaziers, incluant la valorisation du méthane du lac Kivu.
Lors d’une visite au Koweït, en mai 2022, le ministre congolais des Hydrocarbures, Didier Budimbu Ntubuanga, avait obtenu l’assurance que la holding koweïtienne Alghanim International participerait à l’appel d’offre.
Fin juin, le même Didier Budimbu avait rencontré le premier ministre égyptien, Moustapha Madbouli, en marge de la 7ème édition de l’AFFCA au Caire, pour plaider en faveur « d’une intégration économique inter-africaine » sur ce dossier.
Accélérer l’électrification du pays
La hausse de le production gazière répond à trois objectifs principaux pour la République Démocratique du Congo : le plus important est sans doute d’accélérer l’électrification du pays (moins de 2 foyers sur 10 ont accès à l’électricité, dont 5 % dans les zones rurales), via la construction de nouvelles centrales à gaz et d’infrastructures électriques.
Cela permettra aussi de limiter l’usage de générateur individuel au fioul, hautement polluants.
Limiter l’usage de la biomasse bois domestique
Second objectif : déployer plus largement le gaz de cuisson et de chauffage, pour limiter l’usage de la biomasse bois et du charbon pour ces usages. L’emploi massif du bois de cuisson dans le pays a des effets sanitaires et environnementaux désastreux.
En effet, sa combustion émet d’importantes quantités de gaz à effet de serre, pollue dramatiquement l’air intérieur (provoquant de nombreuses maladies respiratoires, responsables de morts prématurées) et encourage la déforestation. En 2010, la demande en biomasse énergétique domestique était de 45 millions de mètres cubes de bois par an, responsable de la destruction de 400 000 hectares de forêt chaque année.
Devenir exportateur de GNL
Troisième objectif, déjà évoqué : soutenir les exportations énergétiques du pays, en devenant exportateur de GNL.
« Comme la République du Congo est sur le point de le prouver, il existe des moyens de monétiser les vastes découvertes de gaz naturel tout en contribuant à la décarbonisation du bouquet énergétique mondial. Qui plus est, le même effort a un fort potentiel pour accroître la disponibilité de l’électricité pour les Congolais et réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’énergie russe », synthétise NJ Ayuk, Président exécutif de la chambre africaine de l’énergie.