Ce 21 janvier 2022, TotalEnergie a annoncé son retrait complet de la Birmanie, où il opérait encore plusieurs projets gaziers : ce retrait est une conséquence directe du coup d’État militaire de début 2021, qui a porté au pouvoir une junte de plus en plus répressive. Ce désengagement, suivi de celui du groupe pétrolier américain Chevron, devrait renforcer les liens du pays avec la Chine, symbolisés par les gazoducs et oléoducs qui relient les champs d’hydrocarbure du golfe du Bengale à la Chine.
Le 1er février 2021, en Birmanie (ou Myanmar), un coup d’État militaire renverse le gouvernement de la Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, mettant fin à une parenthèse démocratique de 10 ans, replongeant le pays dans une dictature militaire.
Human Right Watch presse l’Occident d’assécher le financement de la junte militaire en Birmanie
Le pays a depuis plongé dans le chaos. La contestation civile ne cesse de gagner en virulence, avec de régulières manifestations, menées par la jeunesse birmane, et régulièrement réprimées dans le sang. Des milices anti-junte, les « forces de défense populaires », ont pris les armes et, pilotées par un gouvernement d’unité nationale (NUG) en exil, mènent des opérations contre l’armée régulière. En tout, la répression a fait plus de 1 500 morts civils.
Jeudi 20 janvier 2022, l’ONG Human Right Watch a appelé les Etats-Unis et l’Union Européenne à « imposer des mesures indispensables pour cibler les fonds qui financent le régime abusif de la junte », notamment en militant pour le retrait de groupes internationaux du pays.
TotalEnergie soutient les « sanctions ciblées » contre la junte birmane
L’ONG a également annoncé avoir reçu une lettre du PDG de TotalEnergie, Patrick Pouyanné, soutenant « la mise en oeuvre de sanctions ciblées ». TotalEnergie avait déjà, durant l’année écoulée, mis fin à un projet de développement d’un nouveau gisement de gaz naturel dans le Golfe du Bengale et arrêté ses campagnes de forage.
Le groupe avait également cessé de verser de l’argent aux actionnaires du gazoduc dépendant de sa filiale birmane MGTC, car une société appartenant à l’armée birmane figuraient au nombre de ces actionnaires, aux cotés d’autres soutiens au régime militaire.
TotalEnergie va céder tous ses engagements en Birmanie, tous dans le gaz naturel
Mais, ce 21 janvier 2022, TotalEnergie a décidé de se retirer totalement de Birmanie. « Le contexte qui ne cesse de se dégrader au Myanmar, en matière de droits humains et plus généralement d’Etat de droit, depuis le coup d’Etat de février 2021 nous a conduits à réévaluer la situation et ne permet plus à TotalEnergies d’apporter une contribution positive suffisante dans ce pays », précise le groupe dans un communiqué.
Dans le détail, le groupe va abandonner sa participation aux contrats du champ gazier offshore de Yadana (dont il contrôle 31,24 %, aux cotés des Américains Unocal-Chevron (28,26%), de la société d’État thaïlandaise PTTEP (25,5%) et de la société d’Etat birmane MOGE (15%)) et à la société de transport MGTC, « sans aucune contrepartie financière pour TotalEnergies », selon le géant de l’énergie français.
Chevron quitte lui aussi le pays
Au terme d’un préavis de six mois, les intérêts de TotalEnergie seront seront répartis entre les partenaires actuels « sauf refus de leur part », tandis que les opérations seront reprises par l’un d’eux. Le groupe pétrolier américain Chevron a également annoncé, ce 21 janvier, son retrait du pays. Le champ gazier Yanada sera donc répartis entre PTTEP et MOGE.
EDF, de son coté, n’a pas abandonné son projet de barrage hydroélectrique en Birmanie, même s’il est suspendu depuis plusieurs mois ; la coentreprise formée avec le japonais Marubeni et le birman Ayeyar Hinthar pour ce projet, en sommeil forcé, existe toujours, même si EDF « reste disposé à reconsidérer son engagement ».
Vers un rapprochement énergétique Chine-Birmanie ?
D’un point de vue énergétique, ce choix de se retirer du pays, s’il vise à faire pression sur les militaires pour les contraindre à un meilleur respect des droits humains, pourrait aussi laisser le champ libre à la Chine, qui a inclus le Myanmar dans son projet de nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative), en particulier par le corridor énergétique Chine-Myanmar, composé de lignes électriques, d’oléoducs et de gazoducs. Ces derniers relient notamment les champs offshore du Golfe de Bengale à la ville chinoise de Kunming, capitale de la province du Yunnan, au sud du pays.
Pour autant, si la Birmanie reste le troisième exportateur de gaz naturel en Asie, derrière la Malaisie et l’Indonésie, avec des exportations correspondant aux deux-tiers de sa production nationale, le coup d’État a gelé, de fait, les appels d’offre programmés en 2021 pour 15 nouveaux gisements offshore et 18 champs onshore.
Reste à savoir si ces pressions internationales pourront bien influer sur une détente du régime, ou sur son affaiblissement, via un asséchement de ses ressources, comme c’est l’objectif d’Human Right Watch.